Le Monténégro – 2022.

2022. Après deux années instables dans le monde du voyage, ça commence à aller mieux. Inutile de te dire que mon sac et moi, on a la bougeotte! Alors en ce beau mois de mai, je m’en vais explorer un chouette petit pays du territoire des Balkans: le Monténégro! Je n’attends plus que toi pour démarrer…

Mais d’abord, les présentations…

Tu t’y es habitué, à ce petit chapitre « préambule » avant d’attaquer le voyage. C’est vrai que c’est bien de savoir où on va mettre les pieds. Pour le situer, ça va être d’une facilité déconcertante: si tu suis mes voyages, tu sais où se trouve la Croatie. Bien plus au sud, il y a l’Albanie. Et entre les deux, un petit pays borde la mer Adriatique: le Monténégro. En monténégrin, son nom est Crna Gora, « Montagne Noire », par rapport aux forêts sombres qui le recouvraient autrefois. Il a une frontière avec la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Kosovo.

Il n’est pas immense: 13.812 km² pour un peu plus de 600.000 habitants. Mais il possède une diversité qui ferait pâlir d’envie plus d’un: des paysages montagneux hallucinants, un canyon parmi les plus profonds d’Europe, un vaste lac, une superbe côte adriatique… C’est pas pour rien qu’on trouve 5 parcs nationaux au Monténégro!

Quoi d’autre? Côté religion, les monténégrins sont en majorité orthodoxes (70%), le reste se partageant en gros entre les musulmans et les chrétiens. Langue officielle: le monténégrin, se rapprochant beaucoup du serbe. Pour la monnaie, pas de problème, c’est l’Euro. Mais attention, comme le pays est hors de l’espace Schengen, tu auras intérêt à acheter une carte SIM locale (réseaux Telenor, T-Mobile et m:tel). Heureusement, c’est pas cher et il y a toujours un bon paquet de Gb de data en prime!

Son drapeau:

Son hymne:

Son code d’imatriculation:

Bon, y a plus qu’à lancer la phrase « culte »: le décor est planté, on peut y aller!

Podgorica, la capitale.

Me voilà arrivé à l’aéroport de Podgorica, après une petite escale par Vienne. Il est récent (inauguré en 2006), franchement modeste en taille comparé à ses copains XXL d’autres capitales et le choix de destinations n’est pas pléthorique! Pour remorquer les chariots à bagages, un vieux tracteur agricole « customisé » avec des yeux et des dents peints sur l’avant… OK, pourquoi pas? Bienvenue au Monténégro! Pour rejoindre la capitale, à 7 km d’ici, même pas de bus, et la petite gare est à 1 km. Après, une course en taxi ne te coûtera que 12€.

La capitale monténégrine, Podgorica (à prononcer « Podgo-Ridza »), reste méconnue, ce n’est pas celle que tu trouveras du premier coup lors d’un quizz sur les capitales d’Europe! Durant la Seconde Guere,elle a pris très cher, tant en dégâts matériels qu’en pertes humaines. En 1946, elle devient la capitale du Monténégro et sera rebaptisée Titograd, avant de reprendre son nom antérieur en 1992.

Donc, après un court trajet en taxi, je descends face à la gare de Podgorica. Rien de spécial à en dire, on peut pas dire que les trains se bousculent sur les voies. Juste en face, c’est la gare routière; le réseau de bus est bien fichu, pas cher et desservant de nombreux coins du pays.

Alors, c’est comment, Podgorica? Elle n’est pas bien grande, et paraîtra au premier abord plutôt hétéroclite; après les barres d’immeubles en périphérie, on arpente une ville moderne aux larges rues à angle droit et aux bâtiments néoclassiques (reconstruction oblige), où se trouve la majorité des commerces et restos. Mais le contraste peut très vite s’opérer, la preuve avec ce petit quartier où je dors en airbnb, à même pas 10 minutes de la gare, qui ressemble à un petit village, et où un minuscule bar est venu se « greffer » aux murs d’une prison abandonnée!

Podgorica: Place de la République.
Podgorica.

Oui, je conçois que Podgorica puisse paraître terne et d’un intérêt limité en comparaison aux beautés naturelles du pays, mais il faut savoir regarder avec un oeil plus attentif, capter des détails insolites, comme cette antédiluvienne boutique de TV et radios d’un autre âge, ou encore la fresque murale d’un chanteur sur un bâtiment…

Podgorica est traversée par la rivière Ribnica. On irait pas voir ce qui se passe sur l’autre rive? En franchissant par exemple le fameux Pont du Millenium, quasiment devenu le monument emblématique de la ville; ce pont à haubans n’est pasimmense, mais son architecture audacieuse lui donne du style.

C’est de ce côté que se dresse le plus grand édifice orthodoxe du pays: la cathédrale de la Résurrection-du-Christ. Un peu comme le Vieux Pont de Mostar, son âge surprend: plusieurs siècles? Certainement pas, elle a été bâtie entre 1993 et 2013! Tu parles d’une jeunette! Donc, pas de fresques défraîchies ou à moitié effacées ici, mais des peintures très colorées, certaines très contemporaines! Si tu lèves la tête à gauche après être entré, tu verras les têtes de certains gars qui n’ont rien à voir avec des saints: Marx, Engels, Tito… qui passent des vacances éternelles en Enfer! Et dire que la ville s’est appelée Titograd durant presque un demi-siècle…

Cathédrale de Podgorica.
Cathédrale de Podgorica.

Je reviens vers la ville par une passerelle piétonne pour atteindre un joli coin de la ville: un vaste parc arboré qui tient compagnie aux ruines d’une ancienne forteresse et à un vieux pont de pierre. Podgorica a l’avantage de disposer de pas mal d’espaces verts. De plus, elle est vraiment à taille humaine et pas encore pourrie par le tourisme de masse. Ce qui fait que les locaux gardent une attitude naturelle, sans être robotisés à faire « hello » juste pour entrer dans une boutique ou un resto. Et çà, c’est vraiment top!

Podgorica: le vieux pont.

La « vieille ville » n’est pas loin, elle n’est pas très grande mais très agréable à découvrir au gré de petites ruelles bordées de maisons basses et ponctuée de quelques petites mosquées, souvenir de son passé ottoman. Et impossible de rater la vieille Tour de l’Horloge (« Sahat Kula »), haute de 16 m et épargnée par les bombardements de la Seconde Guerre.

La soirée s’amorçe déjà, hé bien il est temps d’établir un premier contact avec la cuisine monténégrine! Ici au moins, pas de rabatteurs devant les restos et pas de menus en 5 langues… J’avais repéré, pas loin de la gare, un rostilj (dans les Balkans, c’est un petit resto spécialisé en viandes grillées et autres spécialités locales). OK ça me va! Bon, que vais-je goûter? Voyons voir ce que c’est que les popeci: on dirait des cordons bleus « roulés », farçis au jambon et recouverts de crème kajmak, très commune dans les Balkans; souvent servis par trois, c’est copieux et super bon. Belle entrée en matière! Je fais aussi connaissance avec la bière principale du pays, la Nikšićko, une blonde légère et rafraichissante.

Roštilj Janković – à l’angle des rues Djecevica et Vlada Martinovića.

Popeci de Podgorica.
Bière Nikšićko.

Kolašin et le parc national de Prokletije.

J’ai pris rendez-vous ce dimanche matin avec une agence locale de location de voitures pour prendre possession de mon destrier durant une semaine. C’est moins cher que les grandes enseignes, même si parfois les véhicules ne sont plus tout jeunes! Je démarre face à la gare. Comme les supermarchés sont fermés aujourd’hui, je me rabats sur une station-service; en général, on y trouve toujours l’équivalent d’une petite supérette.

Mais pour commencer, je vais faire quelques km, entre la ville et l’aéroport. Je vais voir les chutes du Niagara. Euh, pardon? Téléportation instantanée entre les USA et le Canada? Pas du tout! Et pourquoi le Monténégro ne pourrait-il pas avoir SES chutes du Niagara? Explication: le cours de la rivière Cijevna est ponctué par quelques rapides et surtout, une chute à débit assez costaud principalement au printemps. D’accord, elle n’a pas les dimensions colossales de la version américaine, mais c’est une petite excursion insolite à faire autour de Podgorica.

Tout autour, des vignes, à perte de vue. Et dire qu’elles font partie d’un seul domaine: Plantaže, un des plus vastes domaines d’Europe avec 2300 hectares pour une trentaine de cépages différents! Plantaže assure la production de 80% de la production viticole du Monténégro.

Je contourne maintenant Podgorica pour partir vers le nord, par une route sublime qui longe les gorges de la Morača, sans doute moins impressionnantes que celles de la Tara ou du Verdon, mais offrant quand-même de sacrés points de vue! La route à deux bandes est bien entretenue, et le passage dans quelques tunnels creusés dans la roche fait toujours son petit effet. Au nord des gorges, le monastère orthodoxe de Morača est l’un des édifices religieux majeurs du pays, pas mal fréquenté… surtout les week-ends.

Gorges de la Morača.
Gorges de la Morača.
Monastère de Morača.

Après 25 km de route qui grimpe progressivement et livre de somptueux paysages de montagne, voilà que j’arrive à Kolašin, petite ville tranquille combinée à une station de sports d’hiver, qui a gardé son authenticité et n’a pas vendu son âme au tourisme bling-bling comme on voit dans les stations de ski huppées. Beaucoup de pancartes « sobe » ou « apartman »; oui, l’hébergement chez l’habitant marche bien au Monténégro, comme un peu dans tous les Balkans.

Kolašin.
Kolašin.

Mais regarde-moi un peu ce bâtiment bizarroïde, tout en saillies, genre Rubik’s Cube qu’on aurait stoppé en cours de route. C’est quoi ce truc? Voilà un excellent exemple de l’architecture d’après-guerre dans les Balkans, avec des bâtisses et des monuments aux formes improbables. Ici à Kolašin, il abritait l’Hotel de Ville et un centre culturel. Initialement il a été construit pour commémorer la première assemblée du Conseil antifasciste pour la libération du Monténégro. Son entretien ayant été retiré du budget régional, le bâtiment part en vrille et se dégrade; il y a même des rumeurs de démolition dans le futur. Affaire à suivre…

Il est temps d’aller manger un bout, tu m’accompagnes, bien sûr? À 2 km de Kolašin, voivi une espèce de grande hutte avec un nom en cyrillique. C’est un resto traditionnel bien connu dans le coin. Je vais goûter au kačamak, un mélange de pommes-de-terre et de fromage qui rappelle beaucoup la truffade auvergnate. Je l’accompagne pour une fois de vin, un Vranac rouge, un des vins les plus connus du pays.

Savardak, près de Kolašin.
Le kačamak.
Vin Vranac.

Je quitte Kolašin pour emprunter une petite route de montagne peu fréquentée et de qualité aléatoire (quelques belles ornières qui ne préviennent pas quand elles sont là). Je reste sur mes gardes, car la région de Kolašin est active dans l’industrie du bois, et se retrouver face à un semi chargé de grumes demande du doigté pour le croisement! Mais hormis quelques voitures, j’ai pas eu ce cas de figure. Les paysages de montagne s’affirment davantage, dommage que le temps grisonnant et une petite bruine viennent gâcher la limpidité de l’horizon.

Paysage entre Kolašin et Plav.

Je passe bientôt près de la petite ville de Plav et son lac, mais çà ce sera pour demain. En attendant, je viens de pénétrer dans le parc national de Prokletije, le plus récent des 5 parcs nationaux du Monténégro, « intrônisé » en 2009. Ici c’est du sérieux, de la vraie montagne: le point culminant du pays se trouve ici, à 2534 m d’altitude. Le parc s’étend entre le Monténégro, l’Albanie toute proche et le Kosovo.

Je fais un petit stop au village de Gusinje, qui représente un peu la porte d’accès aux innombrables randonnées qu’on peut faire dans les montagnes du Prokletije, là-bas au loin. J’aime bien cette rue où, en l’espace de 300 m, une église catholique, une église orthodoxe et une mosquée se suivent, semblant former une chaîne symbolique de tolérance. Apparemment, il n’y a pas qu’à Sarajevo qu’on voit çà!

Gusinje.

C’est dans ce Monténégro plus rural, plus « brut », que tu croiseras un vrai Barnum de véhicules sans âge et assemblages improbables: un motoculteur customisé avec une remorque, des pick-up rouillés sans plaque d’immatriculation (peut-être dans l’habitacle? J’en sais rien), des chèvres dans un coffre de break… Et toujours ces vieux modèles, comme la fameuse Lada « Jigouli », tout en angles droits et les petites Yugo qui, malgré leur réputation de voiture merdique, roulent toujours 20 ou 30 ans après! Alors quoi, les critiqueurs?

À quelques km de Gusinje, par un petit chemin étroit dévoilant des paysages à mettre K.O le plus blasé, se profile la vallée de Grebaje, genre de « mini » cirque de Gavarnie, fermée par de hautes parois rocheuses. De l’autre côté, c’est l’Albanie. C’est ici que se dressent les plus hautes montagnes du parc.

Route vers la vallée de Grebaje.

Ne t’inquiètes pas de cette barrière fermée: c’est le petit poste pour s’acquitter du modique droit d’entrée de 1€! Plus loin, un petit parking coïncide avec le point de départ de plusieurs sentiers de randonnée. Une balade facile permet d’atteindre le fond de la vallée, où paissent encore de paisibles vaches (si elles sont avec leurs veaux, il vaut mieux les contourner, on ne sait jamais). Au niveau beauté du paysage, on se prend une vraie claque, c’est incontestable! J’aperçois cette étrange formation rocheuse, les kissing cats, qui ressemblent à deux matous qui se font un bisou. Au retour, je papote avec un gars en balade avec ses enfants; j’apprends qu’il est garde-frontière tout là-haut, entre le Monténégro et l’Albanie. Pour passer la frontière à travers la montagne, il faut remplir un petit formulaire, qu’on peut trouver sur internet.

Vallée de Grebaje.
Vallée de Grebaje.

Pour la nuit, je pose mon sac dans le hameau de Vusanje, à quelques km de l’Albanie, dont la frontière passe à travers la chaîne montagneuse. Les proprios de la petite guesthouse sont d’ailleurs albanais. La proximité de ce pays explique sans doute le nombre de mosquées plus important dans ce coin du Monténégro. Vusanje, c’est un chapelet de petites maisons éparpilles, une rivière avec une cascade petite mais puissante, et des petits chemins de randonnée où on croise moins de monde que dans la vallée de Grebaje. Des vaches, des chèvres, une toutou sympa qui m’a accompagné sur un bout de chemin… Le charme « brut de décoffrage » du Monténégro rural!

Vusanje.
Vusanje.
Vusanje.

Le parc national de Durmitor.

J’adore les petits-déj’ des petites chambres d’hôtes , il y a toujours des surprises. Ici c’est plutôt « salé » avec fromage, charcuteries, saucisse grillée… À la fin du repas, le maître des lieux apporte une étrange bouteille sans étiquette… ooh, j’ai ma petite idée! Et il prononce le mot magique: rakija, cette eau-de-vie emblématique des Balkans! Surtout que les versions artisanales sont souvent plus corsées et intéressantes que les rakija des restos. C’est ce qui s’appelle bien commencer sa journée! Les deux autres résidents, un couple de finlandais, encaissent avec plus de crispation, on sent le manque d’habitude. Moi j’en prendrai même un petit deuxième, mais on s’arrêtera là, j’ai besoin de ma concentration pour les routes de montagnes qui m’attendent!

Je me dirige vers Plav, en repassant par Gusinje. Quelques tranches de vie rurale: des vaches au milieu de la route, un gars sur un VTT avec une masse sur l’épaule, un chien qui traîne une oie morte dans sa gueule… Il commence à pleuvoir un peu. Après Gusinje, sur les côtés de la route à deux bandes, des fermiers, certains sous un parapluie, conduisent de petits groupes de 3 ou 4 vaches. Mais me voilà arrivé à Plav, petite ville tranquille au bord de son lac entouré par les montagnes. Ici le passé ottoman est bien visible, avec ses deux mosquées et la Kula Redžepagića, une tour défensive su 16ème siècle. Et les proportions sont inversées: c’est 80% de musulmans pour 20% d’orthodoxes à Plav.

Plav.
Plav.

En attendant, les supermarchés sont encore fermés, bien qu’on soit lundi. J’en aurai l’explication plus tard dans la journée. Je refais la route inverse d’hier, jusque Kolašin. Je croise quelques voitures, et je vois que comme en Bosnie, les monténégrins ne ralentissent pas facilement quand ils viennent d’en face. Mais ça va, par expérience de ce genre de routes je sais gérer. J’aime mieux le croisement bien « net » et rapide d’un autochtone, plutôt qu’un touriste qui va transpirer un litre par seconde juste parce qu’il faut mordre le bas-côté de 10 centimètres…

Après Kolašin, je reprends la direction de Podgorica, guettant une panneau qui va me montrer la suite du voyage. Ah, ça y est, dans une courbe: « Žabljak – Šavnik ». Combien de km? Aucune idée. Tu verras que les panneaux des routes secondaires n’indiquent quasi jamais les distances; au final, sur les routes de montagne, ça sert pas à grand-chose, ça se calcule en heures, pas en km! Surtout que cette petite route R18 n’est pas mal: bien qu’à deux bandes, elle change de largeur je ne sais combien de fois, elle a son lot d’ornières, on peut tomber sur un troupeau de moutons dans un virage (avec un berger, heureusement); mais le gros souci vient surtout des chutes de pierres, il faut savoir slalomer entre les gros cailloux disséminés sur l’asphlalte, et ne pas rouler au-dessus d’une trop grosse pierre. Si un de ces trucs rencontre un pare-brise, la retouche « résine de Carglass » ne pourra rien faire… Gardons quand-même ce point positif: la beauté des paysages et des panoramas jusque Šavnik! À noter aussi que je passe à l’ouest du parc national Biogradska Gora, le plus petit des cinq parcs monténégrins, essentiellement compsé de denses forêts.

Les premières maisons réapparaissent, j’approche de Šavnik. Direction Žabljak à présent, à 25 km de là. Je vais maintenant pénétrer dans le parc national de Durmitor, probablement le plus connu des parcs nationaux monténégrins! Devenu parc national en 1978 et entré au patrimoine de l’Unesco en 1980 (ça n’a pas traîné!), cette merveille s’étend sur 39.000 hectares. Et c’est du grandiose, crois-moi: les paysages sont plus vastes, le décor montagneux est plus minéral que dans le Prokletije. Les montagnes du Durmitor ne craignent pas de dépasser fréquemment les 2000 m, ponctuées ici et là de petits lacs glaciaires. Pas mal de pâturages étendus aussi, avec parfois des petits murets de pierre. Et ces petites huttes en bois? Hé bien ce sont des katun, des petites cabanes utilisées autrefois par les bergers. Quelques-unes subsistent encore, d’autres ont été reconverties et construites pour l’hébergement touristique. Je t’en reparle plus tard.

Žabljak, c’est la plus grosse localité du Durmitor et l’épicentre touristique du moins sur l’hébergement. Oui, il y a bien quelques petites maisons en bois et des petites rues bucoliques, mais quand tu vois la rue principale, ça donne pas envie tout de suite. Immeubles modernes, centres commerciaux, c’est pensé avant tout pour le tourisme. Faut pas oublier qu’en hiver Žabljak devient une station de ski!

Sur une butte, un peu à l’écart, un spomenik (* un monument, dans les Balkans) en forme de pyramide, rend hommage aux victimes du fascisme durant la guerre. Ces monuments sont toujours surprenants. En contrebas, une petite église côtoie un cimetière. Du haut de la butte, on a déjà un beau point de vue sur la ville et les montagnes aux alentours.

Žabljak.
Žabljak.
Žabljak, en panoramique.

À quelques km de Žabljak, le lac noir (crno jezero) est le plus connu des lacs du Durmitor. Après un petit parking, 10 minutes de marche permettent de l’atteindre. Enfin bon, je devrais parler au pluriel car il s’agit de deux lacs, reliés entre eux par un étroit passage. Et pourquoi « noir »? L’eau est bien limpide pourtant! C’est parce qu’il est entouré d’un sombre massif de pins noirs qui se reflètent dans l’eau et lui donnent des reflets foncés. On peut en faire le tour à pied (4 km, c’est vite fait) et même louer des petites barques.

Žabljak.

Si le parc de Durmitor était un château, il aurait des douves incroyables. À l’ouest se déploient les gorges de la Piva, et à l’autre extrémité ce sont les gorges de la Tara, les plus longues et les plus profondes d’Europe avec parfois des parois de 1300 m. Une petite route part de Žabljak, dévoilant des paysages de plus en plus ébouriffants; il y a encore des plaques de neige sur les côtés, ça grimpe et c’est étroit, attention donc. Le panorama sur les gorges est phénoménal, il justifie la grimpette à lui tout seul! À l’est, à 25 km de Žabljak, le Tara bridge offre une sacrée vue plongeante sur la rivière Tara.

Environs de Žabljak.
Environs de Žabljak.

Je reviens vers Žabljak. Le temps est vilain sur les sommets, et j’entends l’orage. J’espère qu’il n’y a personne tout là-haut! C’est vrai que la météo est toujours versatile en montagne. J’ai encore un peu de temps, je vais aller explorer les premiers kilomètres de la mythique route P14, qui relie Žabljak au canyon de la Piva; c’est sans doute une des plus belles routes de montagne du pays, avec des paysages à te mettre K.O. En principe, je la suivrai demain matin. Mais… au niveau d’une petite cabane isolée (en fait, un petit bar de montagnes), un petit éboulement et une barrière « closed » me refroidit. Pourtant, en poussant une ou deux pierres, c’est jouable de passer. Non, on verra demain, je me renseignerai, on verra. En attendant, je vais descendre à pied par un sentier jusqu’à ce petit lac d’altitude, mais je ne traîne pas, car il commence à pleuvoir et l’orage est plus proche (tu sais, le truc des secondes après l’éclair).

Paysage sur la route P14.
Paysage sur la route P14.

Mon hébergement se trouve au début de la P14. C’est le Katun Etno Selo, un ensemble de petites cabanes (les katun, dont je parlais plus haut), aménagées pour une ou deux personnes, faites avec du vrai bois, parfois spartiates mais disposant quand-même d’électricité. Ça ne fait pas du tout « kitsch touristique », on marche dans l’herbe et la terre (tant pis pour la boue!), au milieu de chevaux et chèvres en semi-liberté. Les proprios y font quelques travaux sans qu’on en soit gêné, c’est clair je vais me plaire ici!

Mon katun d’une nuit. C’est quand-même plus mignon qu’un Ibis ou un Campanile…

Le maître des lieux, Ivan, me dit qu’avec les travaux, il n’y a pas de repas du soir, mais il peut me dépanner avec du pain ou du fromage. OK on se voit tout à l’heure. Plus tard, je me rends donc au petit bar où quelques ouvriers se reposent de leur journée; ils me montrent un katun derière moi et je vois Ivan me faire signe de venir. Carrément chez lui, hé ben! Et il disait quoi? Pain et fromage? Moi je vois du saucisson, un burek XXL, des morceaux d’agneau roti… J’ai pas le temps de finir ma part que hop! Il me recoupe des tranches de charcutaille, et les morceaux de viande remplacent déjà celles que j’ai fait disparaître! Ivan, tu as décidé de me faire éclater? Heureusement qu’une bonne Nikšićko est là pour tout faire glisser! Juste à côté, dans un fauteuil hors d’âge, sa femme chante une berceuse en serbe à une petite loupiote de quelques mois à peine. L’hospitalité, la chaleur humaine… ça fait plaisir de voir que ça existe toujours.

De Žabljak à Ostrog, mais pas par le chemin espéré…

Grand soleil ce matin, la journée démarre bien! Je repasse vite fait par Žabljak, les supermarchés état ouverts aujourd’hui. Enfin je peux le placer, mon petit paragraphe spécial « supermarchés du pays visité »! Ici c’est simple, les deux têtes de gondole, c’est Voli et Idea. Sinon, on peut facilement trouver des minimarkets dans chaque ville et village. Ah, et pourquoi ils étaient fermés, au fait? C’était la Fête de l’Indépendance, qui commémore le référendum du 21 mai 2006 oùl les électeurs monténégrins se sont prononcés en faveur de la séparation avec la Serbie.

Supermarché Voli.
Supermarché Idea.

Petite scène cocasse à Žabljak: une vache se balade en liberté sur la rue principale. Une voiure de police s’arrête, le policier l’escorte gentiment sur le côté, après avoir pris en photo le placide bovidé. Je pensais presque qu’il allait faire un selfie avec… Bref, moi je retourne sur la route P14, et dans ma tête ça joue au tir à la corde: mon « moi » raisonnable me dit de ne pas y aller, Ivan m’ayant dit que c’était fermé à cause des congères de neige, mon « moi » barjot me dit que peut-être en passant en force… Bon, je croise deux motards, ils roulent pépère, je les arrête et m’enquiert de la situation: « No, closed because of the snow ». Ils ont rebroussé chemin. Si même les motos ne passent pas, c’est pas la peine. Et la neige, je me rappelle encore de l’épisode inattendu en Slovénie l’année précédente! Vachement dommage. Remarque, quel événement: pour une fois que mon côté « sage » prend le dessus! J’ai quand-même fait quelques photos plus « ensoleillées ». Et j’aurai eu un petit aperçu de la route sur quelques kilomètres.

Environs de Žabljak.
Route P14.

Je dois faire un détour par Šavnik et Krnovo, ce qui double la distance mais pas la durée, vu que ce sont en majorité des voies rapides. Là, je me dirige vers Plužine, gros village qui n’a rien de transcendant mais qui est, avec son beau lac turquoise, le point d’entrée de la rivière Piva dans un des plus beaux canyons d’Europe. La Piva part ensuite vers la Bosnie-Herzégovine et rejoint la Tara pour former la Drina, rivière qui forme en partie une frontière naturelle entre la Bosnie et la Serbie. Et ce lac, c’est quoi? C’est le résultat de la construction d’un barrage à 17 km de Plužine, qui a fait « gonfler » la Piva. Après le barrage, vers le nord, les gorges proprement dites de la Piva dévoilent enfin toute leur beauté. La route passe parfois sous des tunnels de longueur variable, mais pas éclairés, donc attention au contraste brutal clarté/obscurité! 10 km plus loin, c’est la Bosnie-Herzégovine. Sur la droite, à un moment, une toute petite route passe sous un tunnel: c’est la fin de la P14, que j’aurai dû prendre si cette foutue neige ne s’en était pas mêlé… Grrr!

Plužine.
Gorges de la Piva (avant le barrage).
Gorges de la Piva.

À 9 km au sud de Plužine, le monastère de Piva est un autre édifice orthodoxe important du Monténégro. On pourrait croire qu’il est posé là depuis des siècles, mais c’est faux. Il était auparavant au bord de la Piva, mais la construction du barrage l’a contraint à déménager plus en hauteur. Il a été démonté et rebâti pierre par pierre, et tout ce mikado n’a été terminé qu’au début des années 80, au bout de 10 ans d’efforts! Le monastère se compose d’un mur d’enceinte, d’une église, des habitations des moines et d’un four à pain. C’est plutôt sobre de l’extérieur, mais les peintures et les icônes à l’intérieur de l’église sont fascinantes.

D’un monastère à l’autre, ça fait environ 70 km de route, en passant par Nikšić sans m’y arrêter. C’est la deuxième plus grande ville du pays, doublé d’un important pôle industriel. C’est là entre autres que la brasserie Trebjesa produit l’excellente Nikšićko. Encore quelques km de voie rapide (celle-là même qui redescend sur Podgorica), et j’aperçois enfin un panneau: « Ostrog ». C’est là que je t’emmène. Mais un peu de patience, car la route se rétrécit, multiplie les virages et devient parfois dangereusement étroite. Hé oui, ça grimpe, et pour ne rien arranger, il y a des minibus genre « navettes « et des cars de tourisme, car l’endroit est un spot touristique majeur du Monténégro! Faut savoir gérer un croisement et réagir vite (et un peu croiser les doigts, sans savoir si ça aide vraiment). Ah, il y en a sûrement plus d’un(e) qui a tremblé des guibolles au volant, par ici…

À mi-parcours de cette route, les « marchands du Temple » se sont installés: boutiques de souvenirs, restos racoleurs… Autant d’hameçons prêts à ferrer les poissons que sont les touristes! Mais continuons de grimper, au milieu d’un panorama qui se fait de plus en plus vaste. Je me gare sur un des parkings en contrebas et emprunte un sentier pentu alternant avec des volées de marches. Le but ultime approche… on y est: voici enfin le monastère orthodoxe d’Ostrog.

Dire que c’est beau? Non, c’est trop faible: c’est splendide et incroyable. Le monastère est en effet carrément incrusté dans la paroi rocheuse, son blanc immaculé contrastant avec son environnement minéral. Oui, choc visuel garanti, fais-moi confiance! Ce monastère date du 17ème siècle, et constitue un lieu de pélerinage pour les orthodoxes du pays. C’est un peu le « Lourdes » des orthodoxes. Néanmoins, les croyants de toutes confessions s’y croisent. La dépouille de son fondateur, l’archevêque Vasilije (Basile), décédé en 1671 et auteur de miracles et guérisons, y repose. On accède à son caveau par un minuscule et bas couloir taillé dans la roche (les grands devront se baisser), jusqu’à une salle toute aussi petite, gardée par un moine très solennel dans une demi-pénombre. Il est très investi, quasiment habité par sa mission, ce qui donne au tout une ambiance sépulcrale, voire lugubre…

Monastère d’Ostrog.
Monastère d’Ostrog.

Et même à l’extérieur, sur la grande esplanade, pas de touristes exaspérants qui parlent à 100 décibels (du moins lors de mon passage)… Non, le lieu est empreint de solennité, c’est presque des chuchotements, de temps en temps un moine passe et s’entretient avec des pélerins (peut-être même des pénitents, j’en ai vu qui grimpaient le sentier à pieds nus). La petite chapelle abrite de superbes fresques, mais tu remarqueras des traces noires sur les murs: ce sont des traces d’encens, déposées là au fil du temps. Maintenant, quand des cars de touristes déposent leurs hordes furieuses, il y a des chances que ça casse la sérénité de l’endroit.

Monastère d’Ostrog.

Tu auras peut-être noté que le « signe de croix » orthodoxe se fait traditionnellement en utilisant les trois doigts de la main droite pour toucher le front, la poitrine, l’épaule droite puis la gauche, contrairement aux chrétiens qui font « épaule gauche – épaule droite ». Autrefois, le signe haut, bas, droite, gauche était un genre de geste « miroir » du prêtre qui bénit l’assemblée du haut vers le bas puis de la gauche vers la droite. L’assemblée effectuait donc son signe de croix de la droite vers la gauche. Après le schisme religieux de 1054, les chrétiens ont changé de sens, les orthodoxes ont gardé le geste d’origine. CQFD.

Le parc national du Lovćen et Njeguši.

Si tu n’as pas envie de refaire la petite route en sens inverse (bon, ça dépend où tu te rends ensuite), une autre route, toute récente et plus large, descend vers Danilovgrad et Podgorica. Les petites routes de montagne sont loin, je retrouve des voies rapides sans charme et découvre une autre particularité monténégrine: les travaux! Parfois mal signalés et manquant de logique, on peut se taper 1 km de caillasse poussiéreuse, avec des bus ou des camions qui essaient de passer l’un devant l’autre. Je savais pas que l’édition du Dakar 2022 passait par le Monténégro! Et quand on voit les nids-de-poule sur les petites routes secondaires…

Je passe outre Cetinje, ce sera pour plus tard. Je vais à présent découvrir une autre pépite naturelle du Monténégro: le parc national du Lovćen. Créé en 1952, il fait 6200 hectares et se trouve, en gros, entre les bouches de Kotor et Cetinje. C’est une région une nouvelle fois d’une grande beauté, alternant forêts et montagnes, quoique moins hautes et abruptes que dans les parcs de Prokletije et Durmitor.

Parc national du Lovćen.

À l’embranchement avec la route vers Kotor, une autre petite route (où on s’acquitte du droit d’entrée au parc de 2€) conduit à un monument qui fait partie intégrante du coeur de tout monténégrin: un mausolée. C’est même le plus haut du monde, perché à 1657 m d’altitude. C’est là-haut qu’est inhumé Petar Petrovic-Njegoš, prince-évêque du Monténégro, poète et philosophe du 19ème siècle. Il est vraiment vénéré comme un super-héros dans le pays, ayant unifié les différentes régions morcelées et en ayant mis un terme à la domination ottomane. Le mausolée fut commencé en 1951 et inauguré en 1974 (plus de 20 ans, quand-même!).

Après avoir payé l’acès au mausolée (3€), les molletsauront du boulot avec les 461 marches à l’intérieur d’un tunnel d’un blanc immaculé. Courage, la récompense n’est pas loin! Le panorama au sommet, par temps clair, peut dévoiler la Croatie et l’Albanie. Et voilà le mausolée. L’architecture en est assez sobre, mais l’entrée grandiloquente avec ces deux statues genre caryatides comme à l’acropole d’Athènes. À l’intérieur se trouve la sépulture de Petar Petrovic-Njegoš, en marbre blanc, ainsi que d’une statue de lui-même avec un aigle perché sur son épaule.

Vue en panoramique depuis le mausolée.

Je redescends la route du mausolée et prends la direction de Kotor. C’est à partir de là qu’on peut se délecter d’un des plus beaux points de vue existant au Monténégro, sur la mer et la baie de Kotor. Seulement voilà, cette partie du voyage, ce sera pour demain, alors ne m’en veux pas si je te demande encore un peu de patience. Je me suis même fait violence pour ne pas contempler cette merveille avant demain matin… Non, pour ce soir je pose mon sac dans le petit village de Njeguši, parfois délaissé au profit de la baie de Kotor, en contrebas. Njeguši… Njegoš… Oui, il y a un lien, c’est le village natal de Petar II Petrović Njegoš, dont je viens de visiter le mausolée!

L’autre bonne raison de s’y attarder est comestible: beaucoup d’habitants se consacrent à la production de fromage (ici, ça se dit sir) et de jambon fumé (pršut). Et ils les vendent depuis chez eux aux particuliers; ici ça peut être une petite pièce aménagée, à côté un garage… Il y a bien souvent un petit panneau qui annonce les produits proposés. Mais ce qui est bien, c’est que ce n’est pas racoleur, ils ne viennent pas t’alpaguer avec des « hello », « guten tag »… Parfois même tu te verras offir un petit verre de rakija, la « potion magique » des Balkans!

Njeguši.
Njeguši.

Il y a quelques petits restos sympas pour goûter aux spécialités locales; une assiette mixte fromage-charcuterie peut largement suffire. Qui plus est, Niko, l’hôte airbnb chez qui je passe la nuit est lui-même producteur. Le lendemain matin, en demandant gentiment, j’ai eu droit à une petite visite des lieux (avec une petite dégustation improvisée, en compagnie d’un chauffeur de camion serbe qui venait prendre livraison)!

Konoba kod Radonjica – au début du village, en venant du parc de Lovćen.

Made in Njeguši.

Les bouches de Kotor.

Ce matin, chose promise chose dûe, je reviens un instant sur mes pas d’hier pour atteindre ce point de vue canonissime qui plonge vers les bouches de Kotor et la mer à l’horizon. Les bouches de Kotor, c’est en fait une vaste baie, composée de 4 golfes. De tout là-haut, on pourrait se croire téléporté en Norvège, toutefois l’endroit n’a rien à voir avec un fjord, car aucun glacier n’y a joué de rôle. C’est ce superbe coin du Monténégro qu’on va explorer aujourd’hui.

Bouches de Kotor.
Bouches de Kotor.

Alors, comment on va faire pour descendre jusque là? Par la route P1, qui relie Kotor à Cetinje, dont une partie, qui ne fait pourtant qu’une quinzaine de km, est un mythe pour tout conducteur. C’est la route « Serpentine », avec ses 25 virages parfois très serrés, et une déclivité à faire dresser les cheveux sur la tête. La plupart des automobilistes la grimpent, moi je fais le contraire. Les croisements entre véhicules? C’est pas triste. Il y a de sacrés rétrécissements de voie, avec d’un côté des blocs de béton, et de l’autre des rochers. En descente, avec de la chance on peut anticiper; je l’avais vu à l’avance ce petit camion de chantier qui monte et je me suis rangé. Le touriste autrichien derrière moi m’a dépassé énergiquement, sans voir le camion… il a dû reculer sur 30 mètres. Ben oui, mein freund…

Tout va bien, j’attaque mes derniers virages, quand soudain je vois un panneau: « Goražda ». Sur un coup de tête, j’emprunte cette toute petite route, sans savoir à quoi m’attendre. Hé bien, ça m’a l’air intéressant: Goražda, c’est le nom d’une ancienne forteresse de l’époque austro-hongroise; elle a servi une dernière fois durant la Guerre 14-18, avant d’être abandonnée et ouverte à tous vents. On peut y accéder librement, en faisant attention quand-même où on met le pied. Sous le porche d’entrée et l’accès principal, des bouses de vache. Tiens… C’est en ressortant que je tomberai sur celle qui en est à l’origine, accompagnée d’un petit âne. Drôle de couple! En tout cas ils ont une bien belle résidence secondaire…

Forterese de Goražda.
Forterese de Goražda.
Les deux font la paire…

Direction maintenant Herceg Novi. Attention, si tu contournes toutes les bouches, en passant par Perast, tu en as pour 45 km de route. Tu ne diras pas non si je te propose de réduire la distance quasi de moitié! En passant par Tivat, tu atteindras le petit village de Lepetane; une des bandes au sol indique « ferry ». Oui en effet, on va couper par la voie maritime, en prenant un ferry qui relie Lepetane à Kamenari, dans la partie la plus étroite des bouches! Le trajet dure 10 minutes pour 4,50€ avec une voiture. J’aime toujours bien ce mode de transport, ça permet ainsi de voir les bouches d’un autre angle.

Lepetane.
Ferry Lepetane – Kamenari.

À partir de Kamenari, je ne suis plus qu’à 13 km de Herceg Novi. On ne peut pas dire que la portion de route entre les deux soit la plus enchanteresse des bouches; magasins, stations-service, immeubles affligeants de banalité… La périphérie de Herceg Novi est un peu foutraque, à l’image de ces travaux sur un grand rond-point dont la logique m’échappe… Bref, je dégote une petit place gratuite pour ma chariotte, et on y va pour la découverte de Herceg Novi!

Avec Kotor et Perast qui lui volent un peu la vedette, Herceg Novi est moins courue, touristique certes mais pas à outrance: pas de défilé d’autocars ni de bateaux de croisière démesurés. Tant mieux! Elle est plus proche de Dubrovnik (50 km) que de la capitale Podgorica (112 km). Il ne faut pas s’arrêter à la première impression que donne sa périphérie, avec son trafic et ses bâtiments pas toujours très attirants. Viens, on va descendre vers le front de mer. Car ça monte et ça descend à Herceg Novi, c’est une ville très étagée. Cette promenade piétonne est super agréable, au plus près des vagues, avec quelques petits commerces et quelques bars et restos où on n’essaie pas d’attraper les clients au lasso.

Herceg Novi: front de mer.
Herceg Novi: front de mer.

Une fois arrivé au niveau des forteresses Citadela et Forte Mare (cette dernière est super impressionnante, presque les pieds dans l’eau!), le meilleur moyen de rallier la vieille ville est de se perdre au gré de ce lacis d’escaliers et de venelles, vraiment submergées par une végétation aussi bariolée qu’odorante (dans le bon sens du terme): magnolias, cactus, eucalyptus, grenadiers ou encore bougainvilliers débordent des grilles, et les petits jardins offrent un festival de fleurs dont les senteurs te font fermer les yeux de plaisir!

En montant vers la vieille ville, on croisera quelques édifices religieux, comme l’église Saint-Léopold et l’église Saint-Jérôme. Le panorama sur la baie est géniale vue d’ici! Encore quelques volées de marches à grimper et on sera bientôt au coeur de la vieille ville…

Et voici enfin l’épicentre de cette vieille ville de Herceg Novi; enfin je dirais qu’il y en a deux, l’un près de l’autre. La Place Herceg Stjepana d’abord, très vivante avec ses palmiers, sa fontaine et ses terrasses, est mignonne comme pas deux, sublimée par sa petite église de style byzantin. Il suffit alors d’emprunter quelques marches et passer sous un porche pour avoir droit à une deuxième dose de ravissement en pénétrant sur la Place Nikole Durkovica, qui a des airs de petite place italienne. C’est là que se trouve la Tour de l’Horloge (Sahat Kula). Un peu plus haut, se dresse l’inquiétante Kanli Kula (la « tour sanglante », ça dit tout!), qui servait de fort de défense et de prison pour les opposants aux ottomans. On peut y voir des dessins et messages d’anciens prisonniers. On était aux antipodes du Club Med, c’est clair…

Herceg Novi: Place Herceg Stjepana.
Herceg Novi: Place Nikole Durkovica.

Elle m’a bien plu, cette petite Herceg Novi, avec ces petits coins de paradis fleuris dans ce dédale d’escaliers avant d’arpenter les deux places de la vieille ville, animées et touristiques, mais pas saturées et invivables pour autant! Tu aimes bien les monastères monténégrins? Attends, j’ai quelque chose pour toi à même pas 1 km: le monastère de Savina, de confession orthodoxe serbe, qui se compose de deux églises, d’un cloître et d’une petite chapelle. C’est ici que notre vieux copain Petar II Petrović-Njegoš reçut, dans sa jeunesse, sa première éducation.

Je peux maintenant quitter Herceg Novi et entamer le « grand tour » des bouches, dont je t’ai parlé plus haut, en passant par Risan et Perast. Mais avant, un petit arrêt à Bijela, à quelques km avant le ferry, qui n’a rien d’extraordinaire. Non, en fait c’est juste pour manger un bout, j’ai la dalle. Un genre de petit fast food qui ne paie pas de mine, c’est OK; je retrouve avec plaisir ces petites saucisses ćevapi, et j’essaie une bière serbe, la Jelen.

La route est d’une beauté pas possible, c’est un régal que de longer les bouches au plus près, sans être étouffé par un trafic intense; mais aux abords de Kotor, faut pas rêver, c’est une autre histoire! En attendant, je travers des petits villages tranquilles comme Lipci ou Strp (oh, les localités à « consonnes » comme en Croatie, tu te souviens?). J’ai parfois l’impression d’être sur les rives d’un grand lac de l’Italie du nord.

Un petit arrêt à Risan, un petit village pas vilain du tout avec ses ruelles en calade et ses ruelles à porche. Une petite visite à faire: une grande mosaïque polychrome de l’époque romaine; intéressant, sans être exceptionnel…

Risan.
Risan: la mosaïque romaine.

6 km séparent seulement Risan de Perast. Si une seule carte postale pouvait symboliser les bouches de Kotor (excepté sa vue panoramique), ce pourrait être ce gros village au bord de l’eau, avec son fameux campanile aisément reconnaissable! Celui-ci, du haut de ses 55 m, tient compagnie à l’église Saint-Nicolas. Aves ses ruelles et ses quelques anciens palais, il ne faut être agrégé en histoire pour saisir l’influence vénitienne qu’a connu Perast entre les 15ème et 18ème siècles, avant que les Austro-Hongrois ne la fassent décliner (sympa, les gars!). Et la balade au bord de l’eau est super agréable, avec une vue sur les bouches à se damner! Ah oui, et les deux îlots au loin, me demanderas-tu? Celle avec son église et sa petite chapelle, c’est Notre-Dame-des-Rochers, une île artificielle à l’histoire pas banale. On peut la rallier avec des petits bateaux-navettes, mais quand j’ai vu les rabatteurs saoûlants à Perast en quête de pigeons clients, je me suis dit « non merçi ». L’autre, avec le monastère et les cyprès, c’est l’île Saint-Georges, qui abrite aussi un ancien cimetière. Elle ne se visite pas.

Perast.
Perast.

Seulement, n’espère pas t’y retrouver seul(e)! On n’est pas encore dans le tourisme « frénétique » comme à Kotor, mais les cars de tourisme et les parkings payants constituent une piqûre de rappel comme quoi ce coin des bouches est moins paisible que sur les rives opposées! Et attends: maintenant, je t’emmène à Kotor!

Perast: île Notre-Dame-des-Rochers.
Perast: île Saint Georges.

Circulation plus dense, parkings XXL (payants…), et ça peut arriver qu’un méga bateau de croisière vienne faire de l’ombre (au sens propre) aux murailles de la ville. Me voici arrivé à Kotor! Mais que ce premier ressenti ne te refroidisse surtout pas: tu sais qu’avec moi on sort très souvent des sentiers battus. Premier cadeau: on peut dégoter des places gratuites (hasardeux mais pas impossible) au sud de la vieille ville; merçi à mon hôtesse airbnb pour le tuyau!

Voici donc Kotor, le spot touristique majeur des bouches du même nom. Avant de pénétrer dans la vieille ville, il faut déjà se faire une première idée en admirant ces remparts, qui font parfois 20 m d’épaisseur, et courent sur 4,5 km (soit 2 fois plus que Dubrovnik)! Il y a 3 portes d’entrée dans les murailles, dont la principale, la Sea Gate, en face du port, est gardée par deux canons. Je ne sais pas si ils tirent sur les touristes-paquebot… quant à la vue sur les bouches, elle est à se décrocher la mâchoire, à condition que justement un gros bateau ne vienne pas tout foutre en l’air…

Kotor.
Kotor.

Je vois que tu trépignes de pénétrer dans l’enceinte; OK on y va! D’emblée, on se retrouve sur la Place d’armes, aves ses vieilles maisons (toujours l’influence vénitienne) et sa Tour de l’Horloge. Et ma chambre airbnb est à deux pas de ce décor de film de cape et d’épée, je suis verni, hein? Les petites ruelles partent dans tous les sens, certaines n’ont même pas de nom. Ces vieilles pierres, ces volets verts, ces petites boutiques qui au moins ne débordent pas trop à l’extérieur… un mix de vilage italien et de cité croate, style Trogir ou Šibenik. Quand on pense que Kotor a été en grande partie détruiçte par un tremblement de terre en 1979, et rebâtie dans le style qu’on admire de nos jours… Chapeau! Cependant, c’est touristique, tu n’y couperas pas, à moins de choisir le bon moment, tôt le matin ou en soirée, quand le gros de la troupe a déserté les lieux.

Au gré de ta balade intra muros, des placettes, des anciens palais, des petites églises, et surtout la magnifique cathédrale Saint-Tryphon (le prénom de Tournesol dans les albums de Tintin, tu te souviens?), du 17ème siècle, avec ses deux tours reliées par un portail formant un porche. Pour ne pas te déshydrater, sache qu’il y a souvent une fontaine ou un robinet d’eau potable à l’un ou l’autre coin de rue.

Kotor: Place d’Armes.
Kotor.

Kotor, c’est aussi la « ville des chats » (je sens que ça va intéresser une blogueuse particulière que je salue). Le long des murs, sur un rebord de fenêtre, ils font leur sieste ou vaquent à leurs occupations félines… Certains sont farouches, d’autres plus enclins à faire connaissance. L’un d’entre eux, par exemple, s’est alangui sur mes genoux, avide de caresses, sur un banc d’un petit square où je m’étais posé un instant… avant de me lâcher pour aller jouer avec une petite gamine à proximité. Ben çà alors… oh et puis, il fait sa vie comme il veut, non? Les chats sont tellement indissociables de Kotor que certaines boutiques vendent articles à leur effigie, (peluches, porte-clés…). Il existe même un musée qui leur est dédié. La gloire, quoi!

Allez, laissons les matous mener leur existence de matous, et prenons de la hauteur! Quand on se trouve à l’extérieur des remparts, il y a autre chose qu’il est impossible de louper: les montagnes contre lesquelles Kotor est pratiquement adossée, et surtout ce système de fortifications qui grimpent à l’assaut des flancs rocheux escarpés! Hé bien, je t’invite à venir les attaquer – pacifiquement, celà s’entend – en grimpant jusqu’à l’incroyable forteresse Saint-Jean, qui domine Kotor à 260 m de haut. Cette petite ascension est un complément incontournable d’une visite de Kotor. Pas de panique, c’est pas de l’alpinisme, c’est pas l’Everest, mais disons que c’est physique quand-même, faut pas y aller en sifflotant, les mains dans les poches! Un peu plus de 1400 marches, avec des petites parties en sentier pierreux, avec parfois des parties manquant d’adhérence tant les pierres sont polies par les pas des visiteurs (j’y réfléchirais deux fois par temps pluvieux)! Par temps chaud, prends de l’eau, parce que là-haut, il n’y aura rien pour étancher ta soif. Quand tu passeras près de la petite chapelle (bâtie par les survivants d’une épidémie de peste en 1572), tu seras environ à mi-parcours. C’est plutôt tranquille, car les touristes « de croisière » sont très rares à s’y aventurer. Dernière chose: l’accès à la forteresse coûte 8€.

Au-delà de la forteresse commence l’Échelle de Cattaro (« Kotor » en italien), un sentier plus technique aux virages encore plus nombreux que sur la route Serpentine. Il grimpe jusque dans la région de Njeguši.

Kotor: fortifications.
Kotor: montée vers la forteresse.

Je redescends vers la vieille ville, en quittant ensuite l’enceinte car je n’ai pas envie de manger intra muros; trop touristique, même si c’est déjà un peu plus calme en soirée. J’ai dégoté un petit resto de style grill, au sud près du supermarché Idea, on y sert des mix de viandes grillées pas mal du tout. La nuit tombe sur les bouches. C’était une sacrée journée, tout en contrastes!

BBQ Tangja – sur la E65, près du supermarché et du rond-point.

La côte adriatique.

Je quitte Kotor vers 08H du matin, et, que vois-je débouler au loin au milieu des bouches? Un énorme bateau de croisière qui, bientôt, va déverser son flot de touristes blasés et pressés dans la pauvre vieille ville qui n’en demande pas tant. Je pars à temps, la chance! Mais je ne vais pas partir tout de suite vers la côte adriatique. Non, j’ai envie de jeter un oeil sur la rive des bouches qui fait face à Kotor. C’est bien différent: la petite route est très étroite, elle longe le bord de l’eau sans aucun garde-fou; un croisement avec un camion ou un bus peut être délicat! Finie la frénésie touristique, c’est une ambiance plus tranquille, plus « sincère » qui règne ici.

Je stoppe dans le petit village de Prcanj, avec une vraie vie de village et une vue magnifique sur les bouches. Son église appelée Bogorodičin Hram est étonante par son escalier monumental et sa taille un peu démesurée par rapport au village. Autre endroit insolite: le Tre Sorelle Palata  (Maison des Trois Soeurs), et son histoire pas banale: trois soeurs étaient amoureuses du même marin (petit veinard) et attendaient son retour jour après jour. Lorsque l’une d’entre elles mourut, les deux autres décidèrent de murer la fenêtre de sa chambre. Quand la deuxième soeur trépassa, rebelote pour sa fenêtre à elle; et il ne resta plus qu’une seule fenêtre ouverte sur la mer. Ah, l’amour…

Prcanj.
Prcanj: Tre Sorelle Palata.

Je reviens sur mes pas, vers Kotor et… ooh, c’est quoi çà encore, que je croise? Un défilé d’une dizaine de tuk-tuk, trimballant des touristes hébétés! Je te fiche mon billet que c’est ceux du bateau de croisière… Que Dieu me préserve à jamais de voyager de cette façon!

Je me dirige vers le sud, pour rattraper les bords de la mer adriatique. Ma destination connaît aussi une grosse affluence touristique; j’en veux pour preuves les files qui grossissent et les ralentissements encore accentués par les feux de circulation. Circulation bordélique dans la ville moderne, hérissée de hauts immeubles certainement destinés à héberger les flots de touristes, parkings payants… C’est pas le genre d’entrée en ville qui me fait rêver, mais c’est comme çà. Bienvenue dans la « Saint-Tropez » de la riviera monténégrine: Budva!

Quoi, c’est çà Budva? Détrompe-toi, car à l’instar de Kotor, Budva possède aussi une vieille ville entourée de remparts! Ici aussi l’influence vénitienne transpire des murs des maisons et palais, ici aussi le tremblement de terre de 1979 n’a pas fait de cadeaux, et ici aussi la reconstruction a été efficace et harmonieuse (bon, stop avec les « ici aussi »!). Justement les voilà, les remparts. Ils encerclent une partie de la vieille ville, et malgré une longueur bien inférieure à ceux de Kotor, ils ne sont pas dénués de charme. Ils jouxtent un port de plaisance où sont accostés les yachts de luxe des touristes rupins. Chacun son délire.

Budva: remparts.
Budva.

Entrons maintenant dans la vieille ville. C’est un labyrinthe de ruelles tortueuses, d’escaliers et de placettes, bien animées avec restos et boutiques, tourisme oblige. À côté des églises de la Sainte Trinité et Santa Maria de Punta, se dresse l’imposante citadelle, avec sa fabuleuse ancienne bibliothèque et ses points de vue sur la mer et la ville intra muros.

Budva.
Budva: citadelle.

Ce qui est chouette ici à Budva, c’est qu’on peut faire une promenade sur le haut des remparts (non pas le tour, ils ne cernent pas totalement la ville); l’entrée se fait à côté de la citadelle. On a des super points de vue sur les toits de la ville et le port, mais c’est moins gai quand on aperçoit la ville moderne et ses constructions moches et incohérentes qui continuent à grignoter du terrain… Ils ont plutôt intérêt à bien la préserver, leur vieille ville!

Budva: les remparts.
Budva: les remparts.

Je quitte Budva, avec un sentiment mitigé sur cette ville moderne façon « mini Benidorm » qui encercle la vieille ville. Je ne suis pas au bout de mes surprises. À 10 km au sud, voici un autre endroit célèbre du littoral: rélié à la côte par un petit chemin, voici Sveti Stefan. Evidemment, ce petit village fortifié est une merveille de beauté et d’homogénéité, çà on ne peut pas lui enlever. Est-ce qu’on peut y déambuler à sa guise, au gré des ruelles? Approchons-nous de l’entrée, là sur la gauche. Ben alors? Une grille fermée, ni plus ni moins! Que se passe-t-il? Sveti Stefan était autrefois un paisible village de pêcheurs. Durant l’époque de Tito, les lieux ont été rachetés (carrément!) par un rapace promoteur immobilier grec, puis transformés en hôtel cinq étoiles, avec des tarifs à 3 chiffres, pour une clientèle de luxe. Un coin si romantique et bien préservé, juste pour une petite élite privilégiée. Gros carton rouge aux autorités monténégrines qui,ont fait passer le fric avant la préservation du patrimoine et du littoral…

Sveti Stefan.
Sveti Stefan.

Je t’avoue qu’après Budva et Sveti Stefan, j’ai besoin de quelque chose de plus serein et moins touristique. Le long de la côte, il suffit de s’enfoncer un peu à l’intérieur des terres pour dénicher l’un ou l’autre petit monastère, certainement moins couru que celui d’Ostrog! Alors je m’arrête au monastère de Praskvica, posé au milieu de champs d’oliviers et composé de deux églises. L’église Saint-Nicolas abrite de magnifiques fresques.

Monastère de Praskvica.

Je poursuis la petite route, qui m’indique la direction d’un autre monastère à quelques km. Pas mal, cette route, elle cumule tout: déclivité, lacets serrés, revêtement pourri (quand je vois ces nids-de-poule, je me dis que ces poules-là font dans les 20 kg); apparemment l’endroit se mérite! J’atteins enfin le petit monastère de Rustovo, habité par des soeurs à l’accueil vraiment charmant. Il faudra sonner la petite cloche à l’entrée pour accéder à l’intérieur. elles tiennent aussi une petite boutique de produits locaux (miels, liqueurs, savons) faits maison… euh, faits monastère (ben oui!).

Je rejoins la côte pour continuer à la longer vers le sud, où des stations balnéaires comme Petrovac et Sutomore font le bonheur des amateurs de plage et de bronzette. J’arrive ensuite à Bar, dont la ville moderne ne te fera pas tomber en pâmoison, entourée de centres commerciaux et proche d’une zone portuaire industrielle. Peut-être un seul édifice intéressant, ce massif édifice religieux à dômes dorés: la cathédrale Saint-Jean-Vladimir. En fait, Bar est connu pour ses liaisons maritimes en ferry entre le Monténégro et Bari en Italie, et accessoirement Dubrovnik en Croatie. C’est aussi le terminus de cette fameuse ligne de chemin de fer de 476 km qui démarre de Belgrade, en Serbie, et qui traverse des paysages de montagnes à couper le souffle.

Pas de quoi casser 3 pattes à un canard, me diras-tu? Mais n’oublies pas que le Monténégro est plein de surprises. Et pour s’en prendre plein les yeux, 5 petits km suffisent. Une première vue générale de cette vaste ancienne cité abandonnée va te convaincre: voici Stari Bar, ancienne ville fortifiée datant de 800 av. J.-C. et maintenant en ruines, avec en arrière-plan des montagnes spectaculaire. C’est carrément le plus grand site archéologique d’origine médiévale du Monténégro!

Après le parking et un vieux quartier composé en fait d’une longue rue pavée bordée de restos et boutiques (certaines plus racoleuses que d’autres), voilà que se dressent, sans transition, les remparts de Stari Bar. C’est du costaud, c’est clair! On va maintenant aller découvrir cet endroit incroyable. Et dire qu’avant 1979, année de ce foutu tremblement de terre qui a bien amoché la côte, des gens y vivaient encore. C’est fou. Ils sont ensuite descendus vers la ville moderne (sans doute pas de gaieté de coeur…).

Stari Bar.
Stari Bar.

C’est une sensation rare que d’arpenter ces vieilles ruelles et autres sentiers, au milieu de ces bâtiments en ruines, dont certains sont complètement tombés, façon puzzle! Et en aucun cas la monotonie ne s’installe, car Stari Bar est le résultat de différentes époques architecturales: la période ottomane a laissé une mosquée, des bains turcs, une tour-horloge, et même un aqueduc en contrebas du site. Ensuite, se succèdent une forteresse du 11ème siècle (qui a encore servi de prison durant la Deuxième Guerre), des églises du Moyen Age, un palais vénitien… Un véritable « inventaire à la Prévert »! Et qui plus est, c’est plutôt tranquille, ce n’est pas un tsunami de touristes comme à Pompei ou l’Acropole d’Athènes, ce qui permet au site de garder sa solennité et à la magie d’opérer.

Stari Bar.
Stari Bar.
Stari Bar.

Encore un peu d’insolite? À 2,5 km de Stari Bar, bien en évidence, se dresse un olivier. Pas n’importe lequel: avec ses 2000 ans, c’est le plus ancien sécimen d’Europe, ni plus ni moins. Quant à faire tenir 2000 bougies sur son gâteau d’anniversaire et les souffler, je ne connais pas la technique employée… 🎂

« Stara maslina », le plus vieil olivier d’Europe.

À une trentaine de km de Bar, me voilà arrivé là où je pose mon sac cette nuit: la petite ville côtière d’Ulcinj, qui ne ressemble en rien aux touristiques Kotor et Budva. L’Albanie est toute proche maintenant, à une quinzaine de km à vol d’oiseau. Et, à l’instar du parc de Prokletije, de par le nombre important d’habitants venus d’Albanie (une proportion de 80%), les mosquées refont leur apparition, cohabitant pacifiquement avec les édifices d’autres confessions. La langue albanaise résonne souvent, faisant écho au monténégrin, et les menus sont écrits dans les deux langues (l’albanais est facile à identifier, vu le nombre de trémas posés au-dessus de voyelles!). Et du coup, c’est pas désagréable d’entendre un appel à la prière, comme en Bosnie-Herzégovine en 2021!

Ulcinj.

Ulcinj a aussi sa vieille ville, non seulement fortifiée mais haut perchée comme une vigie face à la mer. On y accède par un volée de marches (avec moins d’effort à fournir que pour la forteresse de Kotor!) et un porche de pierre. Oh bien sûr il y a quelques bars et restos avec vue sur la mer et les remparts, mais l’intérieur même de la vieille ville, où les ruelles pavées croisent des escaliers de façon anarchique, est vraiment un havre de paix si on compare à Kotor ou Budva! Crois-moi, ça fait du bien, un peu de tranquillité! D’autant plus que ma chambre airbnb est ici, dans cette bulle de calme en surplomb de la ville plus moderne.

Ulcinj: la vieille ville.

En bas, du côté de la plage, c’est nettement plus animé! Des petits restos, fast-food et bars s’alignent face à la petite plage, Mala Plaža, qui a su garder un caractère familial. L’autre plage, Velika Plaža (la « grande plage ») s’étend au sud de la ville jusqu’en Albanie. Tu auras largement de quoi étendre une serviette sur le sable, car elle s’étire sur… 14 km! Sur le front de mer, l’ambiance est cool: des gamins font des courses à vélo, des ados font une partie de foot dans le sable… Par contre, la circulation est un peu plus « punchy »: les deux-roues zigzaguent entre les voitures, ça klaxonne pas mal… j’ai vu une gamine de 5-6 ans sur les genoux de papa, en train de tenir le volant de la vielle Mercédès familiale! Peut-être que c’est comme çà en Albanie voisine? Je ne sais pas…

Ulcinj: Mala Plaža.

Au fait, sur la première photo, as-tu aperçu cet étrange papillon de béton, au-dessus des immeubles? Voilà encore un de ces curieux spomenik disséminés dans les Balkans! Celui-ci commémore les victimes de la Seconde Guerre, en particuliers les aviateurs de guerre (d’où la forme d’ailes). Dommage qu’il n’y ait pas d’escaliers pour y accéder, il faut passer derrière le front de mer…

Hé bien, je termine ma découverte de la côte adriatique sur une bonne note! Oui, Ulcinj est touristique mais ce n’est pas une folie comme à Kotor ou Budva. Et surtout, les paquebots de croisière ne viennent pas ici!

Spomenik d’Ulcinj.

Le lac Skadar et Cetinje – Fin du voyage!

Je quitte Ulcinj et en même temps la côte adriatique pour aller vers l’intérieur des terres, en traversant des petits villages et en retrouvant un monténégro plus rural qui m’avait manqué, avec ses vaches errantes et ses troupeaux de moutons. Mais dans ma rêverie peut-être, j’ai dû louper un embranchement, car voilà, à 200 m face à moi, une file de voitures avec un poste de contrôle: la frontière avec l’Albanie! qu’est-ce que je fous là? Allez hop, demi-tour, pour retrouver la petite route de montagne que j’aurai dû emprunter…

Ok je suis remis sur la bonne voie, via cette petite route qui grimpe et qui mériterait bien quelques retouches d’asphalte; les routes secondaires dans les Balkans, c’est pas toujours l’extase niveau revêtement! À un moment, dans un virage serré, tu apercevras une série d’antennes de télécommunication, ou des radars je sais pas, de tout façon c’est moche. Je vais m’y arrêter. Non, ce n’est pas pour admirer ce fatras métallique, c’est pour contempler ce qui se trouve après le virage: le voilà enfin, le lac Skadar!

Le lac Skadar: là on est sur de la grosse pointure, du spectaculaire. Présentation de la bête: un peu plus de 40 km de long sur 14 km en largeur, avec 2/3 pour le Monténégro le 1/3 restant pour l’Albanie (il a d’ailleurs donné son nom à la ville albanaise de Shkodër). Sur les 5 parcs nationaux dont je t’ai parlé, il en reste un: hé ben on y est. Le parc national de Skadar a été créé en 1983 et s’étend sur 40.000 ha. Un air de déjà vu? Normal, la première chose que tu verras de l’avion au moment d’atterrir à Podgorica, outre les vignobles Plantaže ce sera cette immense étendue d’eau, qu’on pourrait presque confondre avec la mer.

Pour descendre jusque Virpazar, la petite route P16 est une aventure à elle seule. Étroite, souvent bordée de murets de pierre et comptant des virages sournois, les croisement délicats (pas trop nombreux heurseusement) feront partie des réjouissances; enfin ça dépend qui tu croises: soit un « local » qui ne s’embarasse pas de fioritures, soit un touriste (ou pire un camping-cariste, non mais sérieux, là??) qui n’aura plus un poil de sec parce qu’il doit se déporter un chouïa. Enfin, de ce côté-là, j’ai plutôt adopté le style « made in Balkans » (tout en restant prudent, pas d’inquiétude)!

Quelques hameaux et villages égrènent le trajet, comme Ostros, avec le haut minaret blanc de sa mosquée et son monastère Prečista Krajinska, en ruines. Le gars en tracteur qui s’arrête au minimarket, les vieux du coin à la terrasse des deux ou trois bars du village… La vie, quoi. Ou encore Duravci, avec une petite école toute mimi, où les gosses sont bien chanceux au milieu d’un tel environnement!

Ostros.
Duravci: l’école.

Je passe par le hemau de Godinje, un petit paradis entouré de petites cultures et de vignes; j’aurais pu ne pas m’y arrêter… si je n’avais pas regardé une seconde vers la droite pour entrevoir un spomenik perdu entre les arbres! Assez étonnant de trouver un monument si grandiloquent dans un endroit si discret.

Godinje.

Ceci étant dit, le lac n’est jamais bien loin, et les nombreux points sont plus beaux les uns que les autres. La route commence à descendre, Virpazar se rapproche.

Lac de Skadar.
Lac de Skadar.

Virpazar, je n’en ferai pas un roman, je n’y suis resté que peu de temps. Ce vieux village de pêcheurs est devenu l’épicentre touristique du lac Skadar. Mais ici le mot « touristique » a plutôt une connotation péjorative. Alors oui, le cadre aurait pu être enchanteur avec son petit pont et son monument aux partisans monténégrins; mais la circulation est difficile et se garer est une épreuve olympique. Et tu as les balades en bateau, pas toujours donné, avec les rabatteurs qui t’accostent « boat tour, sir? » NAAN, sir ne veut pas faire de boat tour, y a pas marqué pigeon sur le front à sir, tu veux pas me lancer des graines, des fois? Non, c’est bon, je me barre…

Virpazar.
Virpazar.

Je retrouve la route E65, qui file sur Podgorica, à 30 km; bon mais je ne l »emprunte que sur… 30 m, car je bifurque pour une magnifique petite route de montagne, qui a l’avantage d’offir des panoramas sur les « débuts » du lac Skadar, alimenté par les rivières Moraca et Rijeka Crnojevica. Ce paysage est dingue: des étendues d’eau recouvertes de nénuphars, jalonné de petites montagnes escarpées. Avec un peu d’imagination, on pourrait se croire en Asie!

Région du lac Skadar.
Région du lac Skadar.

Le petit village de Rijeka Crnojevica a le même nom que la rivière qui le traverse. Rien de bien spécial, une rue unique et quelques restos, mais le vieux pont (stari most) ne manque pas de charme. Et c’est moins exubérant qu’à Virpazar!

Rijeka Crnojevica.
Rijeka Crnojevica.

À 3 km du village, se trouve un autre panorama mythique, une des images les plus célèbres du Monténégro. Il est connu sous le nom de Pavlova Strana; c’est l’endroit où la rivière Rijeka Crnojevica effectue son légendaire méandre autour d’une colline boisée. C’est presque irréel de beauté. Le seul hic pour les amateurs de photo est qu’il faut une prise panoramique pour l’avoir en entier!

Point de vue du méandre de Pavlova Strana.
Point de vue du méandre de Pavlova Strana.

Il me reste une dernière étape importante pour clôturer ce beau voyage. Ma destination est proche (une vingtaine de km au plus), et même si elle n’est pas toujours citée en premier dans les « incontournables » du pays, elle est d’une importance capitale (le mot est bien choisi tu verras) dans l’histoire du Monténégro: voici Cetinje.

La capitale actuelle du pays, c’est Podgorica, on est d’accord. Mais avant? Hé bien, jusqu’en 1918, année de la « création » de la grande Yougloslavie, Cetinje était la capitale historique du royaume du Monténégro. Plusieurs ambassaddes, dont les bâtimensts sont toujours debout, s’y installèrent. Cetinje est restée le centre administratif et politique du pays jusqu’en 1946, avant d’être remplacée dans ce rôle par Podgorica. Mais tout n’est pas perdu, car depuis 2005, Cetinje abrite la résidence officielle du président de la République du Monténégro!

C’est une petite ville encore à taille humaine avec deux grandes artères commerçantes et à quelques km des premiers contreforts du parc du Lovćen. Le monument le plus important est certainement le monastère orthodoxe, du 18ème siècle et bâti sur ordre du prince-évêque Danilo Ier. Pas loin de celui-ci, une palais fortifié qu’on appelle la biljarda, qui appartenait à un vieille connaissance: revoilà Petar II Petrović Njegoš! Sa résidence est devenue un musée, et « biljarda » vient de cette table de bilard sur laquelle l’ami Petar aimait jouer. Dans le jardin à côté, on admirera une immense carte en relief du pays, avec villes, canyons et massifs montagneux en détail. Quel boulot ça a dû être pour réaliser cette merveille!

Cetinje.

Sinon, il y a bien d’autres surprises à dénicher à Cetinje: l’église Vlaška, avec en face le monument Spirit of Lovcen, le paiais du roi Nikola II, l’ancien palais du gouvenement (devenu musée national), le « Palais Bleu » (résidence du Premier Ministre)… sans oublier les bâtiments des anciennes ambassades! Serait-ce vache de ma part de dire qu’il davantage de choses à voir qu’à Podgorica? Voilà un petit voyage qui finit bien, avant le retour chez moi le lendemain!

Cetinje.
Cetinje.

LE « DEBRIEF » DU VOYAGE:

Voilà encore une fois la preuve que visiter un pays méconnu et pas forcément immense peut s’avérer une source inépuisable de surprises et de ravissement! Ces paysages montagneux sont d’une beauté rare, tailladés par de profonds canyons et parsemés de petits monastères. Et que de contrastes entre ce décor minéral, la majesté des bouches de Kotor, l’immensité du lac Skadar et la mosaïque de couleurs de la côte adriatique! Un petit pays qui a aussi son Histoire et qui a toujours su garder la tête haute. Sa découverte fut une belle expérience.

« Au moment de la création de notre planète, la plus belle fusion de la terre et de la mer a eu lieu sur la côte monténégrine ».
Lord Byron (poète britannique, 1788-1824)).
  • • Les incroyables massifs montagneux de Prokletije et de Durmitor, au milieu de paysages encore préservés de la folie immobilière.
  • • Les bouches de Kotor, par les routes et les villages plus tranquilles que Kotor et Perast (desquels je ne conteste pas la beauté, attention).
  • • La région si particulière du lac de Skadar, et le méandre magique de la rivière Rijeka Crnojevica.
  • • La découverte et la compréhension de la religion orthodoxe monténégrine, ainsi que l’intéressante osmose sociale et religieuse entre le Monténégro et l’Albanie.
  • • Les habitants, bien évidement, qui peuvent receler des trésors de gentillesse et de naturel, et qui paraîtront froids et distants uniquement aux yeux des touristes pressés et pleins de morgue…
  • • L’état des petites routes laisse parfois franchement à désirer, et les croisements (que ce soit à la « monténégrine » ou à la « touriste stressé ») sont parfois délicats pour un novice en route de montagne.
  • • Kotor, as-tu vraiment besoin que ces énormes paquebots de croisière te fassent de l’ombre toute la journée? Finalement, c’est pas les touristes qui observent les chats, c’est juste l’inverse…
  • • Et toi, la côte adriatique, méfie-toi, tu cèdes de plus en plus de terrain à la jet-set, tu es en train de te tirer une balle dans le pied! Regarde-moi Budva et Sveti Stefan… Espérons qu’Ulcinj ne suivra pas!

2 réflexions sur “Le Monténégro – 2022.”

  1. J’ai suivi et découvert votre beau voyage avec plaisir
    Bien écrit et décrit, bien illustré (photos et vidéos), le tout avec humour et loin des sentiers battus
    Merci pour le clin d’œil des chats de la ville de Kotor.
    Au vu de vos panoramas, Lird Byron avait raison. 😊
    (J’ai déjà envoyé ce message le jour de votre billet mais il se peut qu’il ne soit pas parvenu à bon port, je réitère avec l’iPhone à partir de votre visite de ce matin à Ste Mère -Église)
    Bon week-end.

  2. Bonjour Emilia, content de vous retrouver et merçi pour ce retour positif!
    Une fois de plus, l’iPhone vous sauve la mise, dirait-on.
    Mes prochains carnets (oui, je devrai scinder en plusieurs parties, c’est mon « gros » voyage annuel de juin!) se feront dans un autre pays où les chats sont aussi très aimés… À bientôt!

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