Après la Crète, Santorin, Amorgos, Folegandros et Milos (ah, et aussi Naxos, même si ça a été en “coup de vent”!), tu te dis peut-être: après toutes ces explorations, ces kilomètres de rando, il doit être sur les rotules, il va se poser, s’arrêter? Euh, en fait, pas du tout. Ce magnifique périple, j’ai bien l’intention de le poursuivre! L’archipel des Cyclades a encore tellement de merveilles à me montrer, tellement de spécialités à me faire goûter… Alors oui, on continue le voyage, d’une île à l’autre, et on va le savourer jusqu’à la dernière goutte!
L’arrivée sur l’île de Sifnos.
On s’était donc quittés, à la fin du carnet précédent, au port d’Adamas, sur l’île de Milos, en attente du ferry qui me conduira sur la prochaine île de mon voyage. Ce sera encore avec la compagnie Seajets, pour une courte traversée d’environ 45 minutes, dans un bateau moins encombré que durant le trajet précédent! Je débarque donc sur l’île de Sifnos (Σίφνος), au port de Kamarès (Καμάρες). Située au nord de Milos et à l’ouest de Paros, Sifnos n’est pas immense avec ses 74 km², mais elle se révèle être un trésor de beautés naturelles et un véritable Eden pour les fous de randonnée (comme celui qui est en train d’écrire ces lignes 😉). Ajoutons à celà que Sifnos est encore bien préservée du tourisme de masse (non, pas de fous furieux en quad, promis!) et possède une atmosphère rurale encore authentique, et tu auras compris que j’ai frappé à la bonne porte en venant ici!

Le petit port de Kamarès, port principal de l’île, est bien joli avec sa longue plage, au milieu d’une petite baie entourée de montagnes. Ses petits bars et restos ne s’accaparent pas toute la rue et n’ont pas besoin de rabatteurs robotisés pour exister. Et le village principal de l’île, Apollonia, n’est qu’à 5 km d’ici. C’est là que je vais, mais pour une fois ce sera en bus: j’ai en effet choisi de ne pas louer de voiture sur Sifnos. Le billet coûte 2€ et s’achète à bord.



La courte distance de route entre Kamarès et Apollonia me permet d’avoir une première impression sur le paysage de Sifnos: c’est clairement moins désolé que Folegandros ou Milos, la végétation est un peu plus présente, sans pour autant être foisonnante; les oliviers font leur grand retour! Le relief est un peu montagneux, mais c’est moins “brut de décoffrage” que sur Amorgos.
Hé bien, me voilà déjà arrivé à Apollonia (Απολλωνία), la capitale de l’île. Ce village, qui s’étire sur un peu plus d’un kilomètre, est sublime. Bien sûr, il ne faut pas s’arrêter à la rue principale, où les bus et les voitures passent, et qui sépare le village en deux. C’est dans les petites ruelles fleuries qu’il faut se perdre pour bien appréhender et ressentir l’endroit, une vraie quintessence de l’imagerie des Cyclades: les maisons blanchies à la chaux, les petites chapelles, les églises à dôme bleu, les bougainvilliers encore et toujours… Touristique? Oui, mais on peut nuancer, ce n’est pas invivable. C’est même plutôt assoupi dans la journée, avec les petits commerces qui ferment durant une partie de l’aprem (comme les minimarkets qui ferment de 15H à 17H30, par exemple). Ça s’anime un peu en soirée, quand les restaurants et bars accueillent les touristes, l’ambiance restant néanmoins tranquille et bon enfant. Enfin, on peut encore rencontrer de vrais habitants, qui n’ont aucun lien avec l’activité touristique, et réellement apprécier une Grèce sincère et sans tralalas.










La partie d’Apollonia à l’ouest de la rue principale est beaucoup plus tranquille, la majorité des commerces se trouvant de l’autre côté. C’est à partir d’ici qu’on peut rejoindre le village d’Artemonas, à 1 km au nord; mais on s’y intéressera plus tard, pour le moment il est temps de poser mon sac dans cette petite maison d’hôtes carrément magique, au milieu d’un paysage vallonné et arboré (oh, il y a même un ou deux palmiers!), tenue par une vieille dame ne parlant que le grec et d’une gentillesse incommensurable. Avec quelques mots de base (et l’aide d’une petit traducteur instantané, petit coup de pub tant il est super), on sait se faire comprendre dans les deux sens!



La fille de la gérante s’appelle Anthi, et s’occupe d’une petite ferme à 2 km d’ici, loin de tout. Elle organise des petites visites agrémentées de quelques “expériences immersives” comme la traite des chèvres ou la fabrication du fromage. Voilà une super occasion de se plonger dans le mode de vie rural le plus authentique qui soit! Alors on démarre de la maison en 4X4, Anthi, sa maman et moi, pour déboucher sur un petit chemin cabossé au milieu d’un paysage alternant oliviers et végétation touffue. La ferme est toute petite, ces visites ne sont pas faites pour les touristes en autocar, et de toute façon, ces véhicules ne passeraient pas! Pas un bruit, excepté celui des animaux; les rumeurs du village, à l’horizon, ne nous atteignent pas. Les montagnes nous entourent, et tout là-haut, le monastère Profitis Ilias nous regarde de son promontoire, qui est le point culminant de l’île, à 680 m. Aux alentours de la ferme, j’ai aussi repéré quelques ruchers.


Ce n’est donc pas qu’une simple visite guidée, c’est une réelle immersion dans la vie quotidienne d’une petite exploitation de ce genre sur l’île. Tu aimes les animaux? Tu vas être au anges: poules, canards, cailles, lapins, ânes, et même un couple de paons (Mr Paon a même bien voulu faire la roue), et un cochon qui adore s’amuser avec le jet d’au du tuyau! Mais lui, Anthi préfère ne pas le laisser sortir, car il cherche la bagarre aux chèvres! Ah, les chèvres! Les vraies stars de la ferme, qui ne sont pas farouches du tout et qui ont vite fait de faire culbuter le panier d’osier rempli de vieux pain à leur intention! Parce que oui, je leur ai donné à manger, et c’est pas si facile de contrôler cette razzia affamée!
Encore moins évident, c’est de les traire. On croit que c’est simple, comme çà, mais dans la pratique, c’est une autre musique. Réunir le pouce et l’index pour cerner le pis, le presser à l’aide des autres doigts. Ouais ouais… Quand le pis est bien gonflé, c’est pas une sinécure pour un novice, et il faut savoir diriger le lait dans le seau; et si la biquette a décidé de bouger, elle te demandera pas la permission… Mais on s’y fait et on s’adapte assez vite! On vas pas en faire un fromage… Hé bien si, justement, on peut participer à son élaboration, par exemple en pressant le lait caillé pour en faire sortir le “petit-lait”, tout çà avant d’être moulé et affiné ensuite. La soirée se termine par une petite dégustation de produits de la ferme accompagnés d’un vin local, en compagnie d’Anthi et sa maman. Celà aura été une de mes plus belles et expériences lors de mon voyage dans les Cyclades. Voici le lien du site: https://anthisifnos.gr/en










Anthi me reconduit au village, de son côté elle va faire quelques courses au supermarché avec sa mère. Moi, je vais manger dans la ruelle principale d’Apollonia, la maman d’Anthi m’ayant conseillé une petite taverna réputée auprès des locaux et non saturée de touristes. Après les bons fromages de chèvre, de quelle spécialité culinaire Sifnos va-t-elle me régaler? Ici, une des grandes vedettes c’est le mastelo, de la viande de mouton ou de chèvre au vin rouge et au fenouil. Après le repas, il fait déjà noir, je vais me balader un peu dans le sud du village; une fois les restos passés, les venelles et escaliers sont presque déserts, avec pour seuls bruits le vent qui s’engouffre entre les maisons, et de temps à autre un chat qui miaule. Sensation délicieuse. Je ne me coucherai pas trop tard, je pars tôt demain en rando afin d’être le plus longtemps possible à la fraîche.
Taverna Tou Apostoli To Koutouki – ruelle principale d’Apollonia.

Sifnos, le paradis des randonneurs.
Je me lève à 06H30. Celà peut sembler bien tôt, mais si on ne veut pas être écrasé par le soleil implacable durant une grosse partie de la journée, il vaut mieux démarrer sa balade le plus tôt possible, pour profiter de la fraîcheur matinale. La petite boulangerie Vegeraki, sur la petite place Plateia, ouvre dès 6 heures, c’est pratique et à ces heures, ce sont encore seulement les locaux qui viennent faire leurs emplettes, ou grignoter une tyropita avec un petit café; c’est précisément ce que je vais faire avant d’entamer ma marche!
Sifnos est clairement l’une des îles cycladiques les plus propices à la randonnée. Outre dix sentiers “officiels” balisés, l’île dispose d’un réseau bien fourni de petits sentiers secondaires. Je suis presque sûr qu’on pourrait traverser Sifnos du nord au sud sans emprunter un seul kilomètre de route carrossable,ou peut-être seulement en les traversant pour rejoindre la suite d’un sentier. Bon, c’est pas tout çà, moi je me mets en route! Je quitte Apollonia pour me retrouver bien vite en pleine campagne, au milieu des oliviers et des anciennes cultures en terrasses, avec quelques échappées sur la mer au loin. C’est un peu plus arboré et fleuri que les îles visitées précédemment, il y a même les traces d’un petit cours d’eau asséché depuis belle lurette. Malgré sa végétation un peu plus fournie, Sifnos a aussi un souci avec le manque d’eau, tout comme Amorgos elle s’est dotée d’une usine de dessalinisation de l’eau de mer.









Le sentier rejoint maintenant une route carrossable à deux bandes que je dois malgré tout longer sur 200 mètres; ce sera la seule petite exception (mais ce n’était même pas un kilomètre, donc ce que je disais plus haut tient toujours 😛). Ce n’est que de cette manière que je peux approcher le monastère de Vryssi, datant du 17ème siècle, dont les murs d’un blanc étincelant contrastent avec l’abondance de fleurs et de plantes à l’intérieur. Depuis le monastère, la vue est très dégagée, et on voit aussi bien les premières maisons d’Apollonia que le monastère Profitis Ilias, qui est perché tout là-haut, sur le point culminant de l’île.








À partir du monastère de Vryssi, je continue vers le sud en reprenant les sentiers de rando un peu au hasard, en me rapprochant de la côte pour atteindre le port de Faros. La végétation est peut-être un peu moins dense de ce côté, et les murets de pierre sèche bordent les sentiers. Les oliviers sont toujours là, ainsi que quelques petites parcelles de vignes. Quelques petites fermes isolées, encore plus petites et paumées que celle d’Anthi, égrènent le paysage. Quant à ces longs tuyaux en caoutchouc qui courent parfois le long du sentier, ils servent à apporter l’eau venant de réservoirs aux petites parcelles cultivables. Ingénieux!






L’étroite piste caillouteuse que j’emprunte actuellement se termine devant la belle petite plage d’Apokofto, familiale et encore peu fréquentée en cette période. Sur la gauche, à 1km, le port de Faros se love dans une petite anse. Mais avant de s’y rendre, jetons un oeil dans la direction opposée: au loin, au bout d’une langue de terre terminée par un îlot rocheux, se dresse un édifice religieux. C’est le monastère de Chrysopigi, bâti au 17ème siècle, plus petit que celui de Vryssi mais plus connu, sans doute de par sa position insolite et de son importance dans l’histoire de l’île.







Le sentier en corniche qui rejoint le petit port de Faros (Φάρος) longe la mer au plus près. Qu’est-ce donc que ces étranges bâtiments en ruines, et ces vestiges de rails qui s’avancent vers la mer? C’est tout ce qui reste d’une ancienne mine de fer! À l’instar de Milos, Sifnos exploitait aussi des mines, particulièrement de fer et d’argent. Le minuscule port de Faros, lui, se consacre encore à la pêche, en gardant son authenticité sans être défiguré par des terrasses XXL de restos ou des boutiques de souvenirs.









Pour ma part, je ne vais pas aller plus vers le sud, je vais remonter vers Kastro et ensuite boucler la boucle en revenant à Apollonia. Je ne me lasse pas de ces chouettes petits sentiers parfois bordés de murets de pierres sèches, longeant des petits champs d’oliviers ou des parcelles de vignes. Le paysage change constamment et n’est jamais monotone. Voilà même des chèvres qui escaladent des murets! Quelle heure est-il? Voyons çà… Presque midi. Dans une bonne heure, je pourrais atteindre Kastro. Le soleil commence tout doucement à cogner, mais ça va, je me suis acheté une deuxième bouteille d’eau à Faros, par précaution…






Et enfin, au détour d’une courbe du sentier, ça y est: Kastro (Κάστρο) apparaît, fièrement perché sur son promontoire, tout de blanc revêtu (joliment dit, non?), ainsi que son minuscule port de pêche en contrebas! Il semble si près qu’on pourrait le toucher, mais il faut encore descendre le dernier tronçon du sentier, assez irrégulier et quelque peu technique, qui mène au pied de la butte sur laquelle s’étend Kastro. Mais je vais souffler un peu, moi, et je vais manger un bout. Je ne me remplis pas trop, un sandwich feta-tomates et un jus de fruit artisanal seront suffisants. Une bière par cette chaleur, ce ne serait pas la meilleure idée…



On qualifie Kastro de “plus beau village de Sifnos”. Je n’ai qu’une envie, c’est d’aller vérifier ces allégations en me perdant dans ce petit labyrinthe de maisons si blanches que ça en fait presque mal aux yeux! Hé bien je dois reconnaître que ce titre n’est pas usurpé. Des portes et volets bleus, des passages voûtés, des petites cours secrètes fleuries à foison, ce petit village fortifié est une merveille. Il y a aussi quelques anciens moulins à l’extérieur du village. À titre de comparaison, seule la Chora de Folegandros pourrait rivaliser. Et pour ne rien gâcher, l’endroit est très tranquille, mais aussi nous ne sommes encore qu’en juin… Il n’est pas rare de croiser encore l’un ou l’autre vieil habitant juché sur son âne (*photo à l’appui!). Je disais “village fortifié”: justement, la cerise sur le gâteau, c’est de faire le tour des remparts en suivant le chemin de ronde bordé de vieilles maisons, qui offre une vue à tomber par terre sur la mer et la petite chapelle Epta Martyrès, ou des Sept-Martyrs, 100% cycladique pur jus!
















Il me faudra encore une petite heure pour revenir à Apollonia vers 15 heures; les jambes vont bien, mais ce n’est pas du luxe de se reposer un peu avant de repartir en soirée, pour une balade beaucoup plus tranquille, où les petites ruelles dallées remplacent les sentiers rocailleux. Je me rends donc à Artemonas (Αρτεμώνας), ce petit village à 1 km au nord d’Apollonia, au gré de ces petites ruelles où bougainvilliers et géraniums rivalisent de couleurs, et où on ne reste jamais longtemps sans croiser une chapelle ou une petite église.
Prétendre qu’Artemonas est le prolongement d’Apollonia est erroné: Artemonas est un village en partie perché sur une colline, où d’anciens moulins à vent montent encore la garde. Et c’est beaucoup plus calme ici, moins touristique; il y a bien quelques bars et restos, mais ils sont un peu éparpillés dans le village plutôt que d’être rassemblés dans la rue principale comme à Apollonia. Pour mon dernier repas à Sifnos, je trouve une petite taverna ( son nom grec: Ο Αγγελές) planquée dans une petite rue montante, et je me reprends un mastelo comme hier, tant j’avais apprécié cette spécialité sifniote! Je rentrerai paisiblement à Apollonia en fin de soirée, en croisant au final très peu de monde. Demain matin, je reprends le bus pour Kamarès. Mmh, ça sent le ferry et le changement d’île? Exactement!










BILAN: Sifnos aura vraiment une place privilégiée parmi mes souvenirs et expériences durant ce beau voyage! Ses nombreux sentiers de randonnée, certains balisés ou d’autres plus secrets, mèneront les fous de randonnée au septième ciel. Les petits villages de l’île sont de toute beauté, et ont su garder leur authenticité tout en se gardant bien d’être envahis par des armadas d’autocars et de guignols en quad. Et si tu veux t’approcher au plus près de la vraie vie rurale dans les Cyclades, va donc rendre visite à Anthi dans sa ferme, qui pourrait rivaliser sans peine avec l’arche de Noé.
L’arrivée sur l’île de Paros.
Je quitte donc Apollonia de bon matin, prenant le premier bus de 7 heures pour arriver à Kamarès 20 minutes plus tard. J’ai tout le loisir de prendre un petit-déj’ en terrasse sur le port, avant l’arrivée du ferry Seajets qui part vers 9 heures pour arriver à Paros 50 minutes après, au port de Parikia pour être précis. L’île de Paros (Πάρος) n’est pas bien difficile à situer sur la carte des Cyclades: elle se trouve quasiment au centre de l’archipel, à l’ouest de sa grande soeur Naxos et au sud de Délos et Mykonos. Avec ses 196 km² de superficie, elle est la troisième plus grande île cycladique après Naxos et Andros.

Parikia (Παροικιά), où je viens de débarquer, est le port principal et la capitale de l’île. Tous les ferries y arrivent et en viennent. Le premier ressenti n’est pas forcément des plus agréables: il y a du monde, et les excités des petits panneaux tendus à bout de bras se rappellent aux bons souvenirs des passagers qui débarquent. Paros est plus touristique que les précédentes îles visitées, c’est sûr! Et le nouvel aéroport de l’île, inauguré en 2016, n’arrangera pas les choses, quoique pour le moment les compagnies low-cost ne l’aient pas encore totalement envahi. Cependant, ce serait injuste de montrer un tableau trop sombre à ce sujet, car l’essentiel de la fréquentation touristique se concentrant surtout sur Parikia et le port de Naoussa au nord.
Le front de mer est longé par une route assez passante, bordée de boutiques en tous genres et d’agences de location de véhicules. J’en profite pour retirer ma voiture dans une petite agence locale, et de la laisser dare-dare sur une place de parking (gratuit en bord de mer, ça c’est bien) pour partir explorer à pied la vieille ville de Parikia. Ce dédale de ruelles bordées des habituelles petites maisons blanches, où on croise des petites églises, des fontaine en marbre, des passages voûtés, est un régal à parcourir, malgré les quelques boutiques chic et le fait qu’on ne soit pas toujours seul, à moins de prendre des venelles de traverse. On est vraiment au coeur des Cyclades, et ça se voit, ça transpire le “cycladique” le long de murs et le long des tiges des bougainvilliers!
J’avoue quand-même avoir un peu de mal à départager la vieille ville de Parikia et la Chora de Naxos; Parikia est d’un relief plus aplani avec ds ruelles un peu plus larges, mais je ferais pencher la balance d’un poil vers Naxos qui, malgré ses rues plus pentues et ses escaliers (kastro oblige), m’a semblé plus authentique et moins envahie par les boutiques. Çelà reste subjectif, on est bien d’accord…












Il y a un grand nombre d’églises et monastères disséminés à travers toute l’île, c’est certain, mais il est impossible et inexcusable de quitter Paros sans avoir rendu visite à la “star des stars”, qui se trouve justement à Parikia, j’ai nommé: l’église Panagia Ekatontapiliani. C’est bien l’un des plus anciens édifices religieux de toute la Grèce, fondé originellement au 4ème siècle (!) et dont la mouture actuelle date du 6ème siècle. Ça date, hein? De plus, son état de conservation laisse pantois, elle a traversé les siècles, les conflits, et même un méchant tremblement de terre en 1773. On l’appelle aussi l’église aux 100 portes, car une légende rapporte que, pour l’instant, 99 portes sont visibles. Et la centième alors? On raconte qu’elle sera débusquée et ouverte lorsque Constantinople (l’actuelle Istanbul) redeviendra à nouveau grecque. Au vu des diverses tensions entre les deux pays ces dernières années, ce n’est pas pressé, mais alors, pas du tout!














Je peux à présent rejoindre la voiture afin de quitter Parikia, et commencer mon exploration de l’île. Direction nord, vers Naoussa, l’autre gros spot touristique de l’île. Ne t’étonne donc pas que ce court axe routier de 10 km soit plutôt fréquenté: voitures, scooters ou quads s’y croisent dans un rythme soutenu durant la journée; je regrette déjà les routes quasi désertes d’Amorgos… Les touristes lambda visitent Parikia et Naoussa, ils sont contents, youpi ils ont vu tout Paros! Bien sûr… Moi j’aime bien creuser beaucoup plus que çà. Mais une chose à la fois, n’est-ce pas?
Donc me voilà arrivé à Naoussa (Νάουσα), la deuxième ville de Paros, où tu ne seras pas seul(e) à moins de venir hors-saison. Un peu galère pour se garer, mais il y a toujours moyen de se dégoter une petite place gratuite pas loin du centre. Naoussa, c’est d’abord un petit port de pêche doublé d’une station balnéaire qui, jouons franc-jeu, s’est “boboïsée” et est devenue une station branchée, où le tourisme de masse a pris ses aises. On en arrive même à la surnommer, avec un brin de prétention, “la petite Saint-Trop’ de Paros”. Un tableau quelque peu pessimiste et grinçant, me diras-tu? Pas totalement, ne voyons pas tout en noir! Dès que le port apparaît, avec ses barques de pêche et ses maisons blanches, le charme opère, inévitablement. L’endroit est magnifique, malgré certaines terrasses de restos qui s’accaparent un peu trop d’espace. À l’extrémité du port, une petite jetée conduit aux vestiges d’un fort vénitien, d’où la vue sur la ville est bien sympa. Les petites ruelles autour du port sont plutôt tranquilles, même si elles ont un petit côté aseptisé, bien propre sur elles, qui les pénalisent un peu au niveau de l’authenticité… Enfin bon, chacun(e) se fera sa propre opinion!











Tu verras, à travers toute l’île, de nombreuses parcelles de culture consacrées à la vigne. Paros est une île où le climat et les sols sont propices à la production de vin. Elle partage également un point commun avec Santorin, c’est la chance inouïe d’avoir échappé au phylloxéra au 19ème siècle, lui permettant de travailler avec d’anciens cépages difficiles à trouver ailleurs. Grâce à celà, certains vins de Paros ont pu bénéficier d’une AOP (Appellation d’Origine Protégée). Le plus grand vignoble de l’île appartient à Moraitis, et ça tombe bien puisqu’il n’est qu’à 2 km de Naoussa. Le domaine existe depuis 1910, et c’est actuellement la quatrième génération qui le gère et poursuit la tradition viticole bien implantée sur Paros depuis des lustres. Le programme est complet: visite des caves, où on peut encore voir de vieilles amphores à vin, bref parcours extérieur dans le vignoble adjacent, petite musée du vin et bien sûr, on finit tout çà en beauté avec la dégustation de quelques-uns de leurs meilleurs breuvages. Mais doucement quand-même, car il fait vachement chaud aujourd’hui. Je pense que ce fut la journée la plus chaude de mon voyage! Preuve irréfutable: même les pariotes étaient affectés par cette grosse chaleur…








Heureusement, il existe des petits villages côtiers super tranquilles, qui n’ont pas encore été happés dans l’engrenage du tourisme de masse, comme Ampelas ( Αμπελάς), à 4 km à l’est de Naoussa. Une petite église, une poignée de maisons, une plage familiale fréquentée plus par les grecs que par les touristes. Pourvu que ça dure!



Je ne vais pas trop forcer aujourd’hui, après ma grosse journée de rando sur Sifnos; oui, ça fait du bien de “freiner” de temps en temps et de se la jouer cool. Je quitte donc Ampelas pour rallier mon lieu d’hébergement pour deux nuits, à 8 km de là. En tout cas Paros possède un atout: la très bonne qualité de son réseau routier. Le revêtement des routes principales à deux bandes est un vrai billard, et les petits chemins de campagne n’esquinteront pas un véhicule classique!
Alors, c’est comment, Paros? Hé bien, comparé aux îles précédemment visitées, il y a un réel contraste. Santorin et son sol volcanique, Folegandros aux paysages pelés… L’activité agricole est omniprésente sur Paros, au milieu d’un paysage vallonné sans être vraiment montagneux. Les parcelles cultivables sont plus nombreuses, de plus grande taille et plus variées ici que sur Milos ou Sifnos. Des vignes, des céréales, des légumes, des pommes-de-terre, des oliviers… avec des parcelles en plaine aussi bien qu’en terrasses sur les reliefs. Un joli petit patchwork au sein d’un décor très reposant.






Ce n’est pas à Parikia ni à Naoussa que je poserai mon sac sur Paros, mais à Kostos (Κώστος), un petit village traditionnel dans l’intérieur des terres, bien moins connu que son voisin Lefkès, distant de 4 km. Deux églises, quelques petites ruelles, les petites maisons blanches dont il est impossible de se lasser, deux ou trois petits restos… C’est tout petit, et certains touristes détalent bien vite en maugréant “bof, y a rien ici, on s’en va”. Hé bien, partez. Les chats qui somnolent sur les balcons, les petits vieux qui boivent un coup au bar, le pick-up qui revient des champs… c’est çà la vraie Grèce, celle que je veux connaître. Moi j’y reste deux nuits, en Airbnb pour être précis. Et pour ne rien gâcher, la campagne des alentours est superbe, loin de tout. Je vais être bien ici, je ne te dis que çà!












Paros, au gré des petits villages.
Quand je pars le matin explorer une île en voiture, il y a souvent une grande part d’improvisation, mon itinéraire n’est jamais gravé dans le marbre… sauf aujourd’hui peut-être. Oh, je ne vais pas bien loin de Kostos pour commencer, le petit village de Marathi (Μαράθι) ne se trouvant qu’à 3 km de distance! Un petit arrêt n’est pas superflu pour y découvrir un endroit hors des sentiers battus, qui fait partie de l’histoire de Paros: ses anciennes carrières de marbre (jolie transition, non?). Le marbre de Paros, exploité dès l’Antiquité jusqu’au 19ème siècle, était d’une qualité incroyable, et a enfanté plusieurs mégastars de la sculpture hellénique (grecque, quoi): la Victoire de Samothrace, l’Hermès de Praxitèle, le Temple de Zeus à Olympie, et surtout la Vénus de Milo (faudrait-il alors l’appeler Vénus de Paro?)… Le site est libre d’accès, mais abandonné depuis longtemps et au sein duquel la végétation a souvent repris ses droits. Par contre, les galeries souterraines, suite à quelques récents éboulements, ne sont plus accessibles. Tout près des carrières, un vieux sculpteur a installé son petit atelier où il travaille encore le marbre pour en faire de petites sculptures qu’il vend à prix fort raisonnables.







À une dizaine de kilomètres de Kostos, je m’arrête à Marpissa (Μάρπησσα), un autre petit village de la partie Est de l’île. En pleine campagne, Marpissa est encore préservé du surtourisme, si bien qu’on ne sera pas bousculé en arpentant au hasard ses ruelles dallées aux maisons blanches et aux murs envahis par les bougainvilliers (combien de fois l’aurai-je écrit dans mes deux carnets? Faudra compter…). Les petites églises font également toujours partie du tableau. Du cycladique comme je l’aime, avec la tranquillité en prime! Quoique, je dirais à 99,5%: j’ai croisé une habitation dotée d’une porte… rose. C’est ce qu’on appelle casser les codes! C’en est quasiment devenu une attraction! J’espère que l’idiote aux ongles vernis de Milos (voir carnet précédent!) ne va pas débouler ici pour y faire un selfie…
Il y a deux ou trois bons restos à Marpissa, comme la taverna Charoulas, en plein village sur une placette ombragée, où j’ai mangé à midi. On aime bien cuisiner la betterave dans les Cyclades, une salade de betteraves cuites nappée de yogourt est une alternative vraiment délicieuse à la sempiternelle salade grecque (je ne dénigre pas cette dernière pour autant, attention). J’ai aussi goûté à une version locale de la sheftalia, un plat initialement chypriote (des saucisses enrobées de graisse de porc), mais confectionnée ici avec des saucisses de Paros. Pourquoi pas?














À 1 km de distance seulement, un autre village, Marmara (Μάρμαρα) est encore plus calme et moins couru que son voisin. Je ferai d’ailleurs l’aller-retour depuis Marpissa à pied, utiliser la voiture pour une distance aussi dérisoire serait de la mesquinerie! En plus d’être tranquille, Marmara est bien joli aussi, avec un relief plus plat que Marpissa. La campagne des environs, avec ses parcelles de cultures, me plaît beaucoup, c’est différent de ce que j’ai pu voir jusqu’ici. Une curiosité, sur la route qui rejoint la plage de Molos, derrière une petite église: un ancien lavoir doté de bassins de marbre (forcément!), qui n’est malheureusement plus utilisé de nos jours.










Petite parenthèse pour qui se demanderait encore ce que c’est que ces grosses cuves en inox doublées de panneaux solaires, présentes sur bon nombre de toits en Grèce: ce sont des chauffe-eaux solaires, tout simplement!


Je parlais plus haut de la plage de Molos, accessible depuis Marmara par une petite route qui ondule à travers champs. Comme elle n’est qu’à 2 km de Marmara, je pousse une petite pointe jusque là. C’est vraiment le contre-pied de Naoussa: quelques petites maisons, deux chapelles près d’un port au format de poche, et une belle et longue plage de sable peu fréquentée; des petits massifs de tamaris à proximité permettent de se mettre à l’ombre.



Si on se trouve dans ce coin de l’île, c’est impossible, à moins de le faire exprès, de ne pas avoir remarqué cette grosse colline sur laquelle est perchée un monastère tout blanc. Franchement, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. On ne monterait pas là-haut pour voir çà de plus près? D’autant plus que la petite route qui y mène est carrossable, mais il faut reconnaître que ça grimpe sec! Mais quelle récompense une fois arrivé au sommet, quand on peut enfin contempler un panorama exceptionnel sur une grande partie de Paros, et sur l’île de Naxos au loin! L’édifice religieux posé sur cette colline, c’est le monastère Agios Antonios, datant du 17ème siècle. Il n’est plus habité, mais l’église est toujours ouverte aux visiteurs, qui se verront offrir un petit loukoum accompagné d’un verre d’eau ou peut-être d’un petit verre de liqueur de citron.










Avant de retourner à Kostos pour souffler un peu, je m’arrête encore à Piso Livadi (Πίσω Λιβάδι) à 2 km de Marpissa. C’est un petit port de pêche agrémenté de quelques terrasses de bars et restos, touristique certes, mais c’est moins “étouffant” qu’à Naoussa. À 300 m au sud, la belle plage de Logaras reste très familiale malgré quelques transats et parasols installés pour les clients des hôtels à proximité immédiate.



Je rentre à Kostos pour recharger un peu mes batteries; je me prépare un grand café frappé, typiquement grec: juste de l’eau bien froide et du café soluble, et on mélange à l’aide d’une petite machine électrique qui mixe le tout. Ça fait un bien fou! De plus, les maisons cycladiques restent fraîches, même quand le soleil tape, le blanc reflétant la chaleur plutôt que de l’absorber. En fin d’aprem, c’est reparti pour un tour. Je n’aurai que 5 km à parcourir pour atteindre ce petit village de montagne qui, l’air de rien, fut l’ancienne capitale de l’île: Lefkès (Λεύκες).
Entouré de collines, Lefkès fait partie du “trio de tête” des spots touristiques de Paros, avec Parikia et Naoussa. c’est un village de montagne un peu plus grand que ses voisins Kostos ou Marpissa. Attention, espérer y être seul(e) à déambuler dans ses ruelles est une utopie, à moins d’y venir tôt le matin! C’est le village de l’intérieur de l’île qu’il faut absolument voir, et ça se sait; de ce fait, il fait un peu d’ombre aux autres villages et c’est pas plus mal pour leur quiétude. Cependant, Lefkès parvient à ne pas être congestionné par la foule et ne croule pas sous les boutiques de souvenirs insipides ni les restos racoleurs. La rue principale, piétonne, coupe le bourg en deux, et les touristes ont cette propension à y rester, telle une procession de fourmis. La beauté, l’âme de Lefkès se découvre dans le le dédale de ruelles adjacentes qui montent, descendent, partent dans tous les sens, passent sous des porches voûtés et des balcons fleuris… On y croise davantage de chats que de “shorts-casquettes” au Reflex qui pendouille sur leur poitrine! Les petites chapelles et autres églises ne sont pas en reste, mais c’est surtout l’église Agia Triada, avec ses deux clochers à bulbe, qui attire le regard de par sa taille presque disproportionnée par rapport au village.













Mais il me semble entendre quelques voix s’élever: “Ben alors, toi le fou de rando, tu ne nous as pas encore parlé des sentiers de Paros?!”. Ça tombe bien, j’y arrive. Que les amateurs de la pratique se rassurent, les sentiers de randonnée sont nombreux et variés, même si leur “maillage” est moins serré que sur Sifnos par exemple. Un des parcours les plus connus de Paros démarre (ou finit, selon le sens) à Lefkès, et rallie le village de Prodromos, à environ 4 km de là. Il se nomme “Route Byzantine” et c’est tout simplement la voie de communication la plus ancienne de l’île, affichant fièrement un millénaire d’existence!
Le panneau “Byzantine Route”, à l’est de Lefkès, marque le début du sentier, long de 3,5 km et sans grosse difficulté ni dénivelée importante. Enfin quand je dis “sentier”, c’est un peu erroné, car de nombreux tronçons sont en réalité dallés de plaques de marbre de Paros, ayant bien résisté à l’usure du temps et des chaussures de marche. Celà me rappelle un peu la Via Appia Antica près de Rome. C’est peu courant d’évoluer sur de tels terrains, on en serait presque intimidé de fouler aux pieds une matière si noble. Quoiqu’il en soit, le paysage est merveilleux: les oliviers et les pâtures à chèvres recouvrent le doux vallonnement des collines environnantes, un petit pont de pierre franchit un ruisseau, et la toile de fond est au diapason avec les îles de Naxos et Ikaria qui se détachent au loin.










La dernière partie du parcours, en descente douce, me conduit au village de Prodromos (Πρόδρομος), que j’aperçois au loin. Je n’en étais pas loin ce matin, il n’est qu’à 1 km de Marmara. À peine plus grand que Kostos, voilà encore un petit bijou de village hors du temps, à l’écart des circuits touristiques, avec juste deux ou trois petites tavernes traditionnelles sans fioritures. On est bien loin de l’agitation de la rue principale de Lefkès! On en viendrait presque à marcher sur la pointe des pieds pour ne pas troubler ce calme et ce silence exceptionnels… Je prendrai mon petit repas du soir ici, dans cette petite taverne où les chaises bleues et les petites tables débordent dans la ruelle; et pourtant, pas de brouhaha, pas de serveurs survoltés; peu de monde, et la tranquillité reste le maître mot ici à Prodromos. Boulettes de viande sauce tomate avec du riz, et une petite bière Mythos, c’est tout simple et ça cale! Le nom de la taverne: Kallitechniko kafenio (Καλλιτεχνικό Καφενείο).







Il est environ 20 heures, je vais entamer mon retour vers Lefkès. La plupart des randonneurs prennent un bus pour rallier leur point de départ (le réseau de bus à travers l’île est assez efficace), mais comme je ne fais jamais comme les autres, je vais me faire plaisir en refaisant la Route Byzantine en sens inverse! Oh, 4 km, un peu moins d’une heure de marche, c’est rien, j’en ai fait des plus corsées! Mais comme la nuit tombe plus vite en Grèce qu’en France, le but du jeu est d’arriver à Lefkès avant que le sentier ne soit avalé par l’obscurité. Ce sera chose faite, mais in extremis, je l’avoue. L’éclairage nocturne de Lefkès est déjà allumé! Ce fut une bien belle balade, bien que quelque chose m’ait frappé: ni à l’aller ni au retour, je n’ai croisé qui que ce soit. Les tranches horaires du soir sont peut-être moins courues qu’au matin… Ah, si! Une poule, surgie de je ne sais où, m’a devancé pendant une dizaine de minutes en se retournant de temps en temps; elle veut quoi, se faire adopter? Non, finalement elle passe un muret et rejoint un petit poulailler en terre battue, attenante à une vieille ferme!
Il ne me reste plus qu’à rentrer à Kostos pour ma dernière nuit sur Paros. Il fait noir, mais au moins, pas de route de montagne sinueuse avec un brouillard aussi compact qu’un plat de purée de patates comme sur une certaine île… Non, ne me regarde pas de travers, Amorgos, avec toutes les belles choses que j’ai dites à ton sujet, ce ne serait pas juste!! Donc demain matin, restitution de la voiture à Parikia, et vogue la galère le ferry Seajets pour de nouvelles aventures! Ça va, tu tiens le coup, pas trop dur de tenir mon rythme? Allez courage, la fin du voyage se rapproche, doucement mais inexorablement!
BILAN: Paros est une très belle île, assez différente de celles que j’ai eu l’occasion de voir précédemment: reliefs moins escarpés, côtes plus douces et moins déchiquetées, un paysage rural plus varié… Beaucoup de visiteurs ne se contentent que du “triangle” Parikia – Naoussa – Lefkès, un p’tit tour et puis s’en vont. Ceux-là ne savent rien de Paros. Les petits villages discrets comme Kostos ou Prodromos, la panorama ébouriffant du monastère Agios Antonios, les sentiers qui serpentent entre les oliviers et les champs de blé… La vraie Paros, c’est là qu’on la trouve, qu’on l’appréhende et qu’on la comprend.
Tinos, “l’île de la Vierge”.
Retour à Parikia ce matin, où je rends la voiture de location et retourne au port, pour prendre mon denier ferry de la sempiternelle compagnie Seajets (j’aurais dû leur demander une carte de fidélité!). Le trajet durera environ 1H20, avec un petit arrêt intermédiaire à Mykonos; c’est d’ailleurs ici que le gros du troupeau de touristes descendra. Il ne reste alors que 20 minutes de navigation pour atteindre l’île où je débarquerai. Je profite du pont extérieur, mais bon sang, qu’est-ce que ça souffle! Ce vent frais et très fort (qui peut aller jusqu’à 7 Beaufort), c’est le meltem, cousin éloigné du mistral du sud de la France et hantise des bateaux de plaisance et des conducteurs de deux-roues (quand ça décoiffe trop, certains loueurs de scooters en arrivent à suspendre les locations). J’ai même failli en perdre mes lunettes; heureusement que j’ai du réflexe…
Me voilà donc arrivé sur l’île de Tinos (Τήνος), dont le port et la capitale portent le même nom que l’île. On est maintenant tout au nord des Cyclades, entre les îles d’Andros et Mykonos. Sa superficie est de 197 km², c’est la quatrième plus grande île des Cyclades, après Naxos, Andros et Paros. Tinos est finalement peu fréquentée par les touristes étrangers, il y a très peu de sites historiques et ce n’est pas une île pour faire la fête jusqu’à pas d’heure. De toute manière, Mykonos, la référence ultime en la matière, toute proche, se charge de drainer les amateurs de décibels et d’alcool tant mieux, qu’ils restent où ils sont! Mais la raison principale est que Tinos est un lieu d’importance majeure de la religion orthodoxe grecque, c’est un peu comme Lourdes ou Fatima pour les catholiques. Tout grec ira à Tinos au moins une fois dans sa vie. Cette dévotion à nulle autre pareille fait l’objet de deux pélerinages importants, le 25 mars et le 15 août, afin de rendre hommage à la Sainte-Icône de la Vierge, découverte ici en 1823 à l’endroit où sera construite par après l’église Panagia Evangelistria. La Vierge étant apparue auparavant à une religieuse appelée Sainte-Pélagie, voilà pourquoi Tinos est surnommée l’Île de la Vierge.

La capitale de l’île porte le nom de Tinos, c’est bien pratique çà! Je ne dirais pas que sa vieille ville est aussi pittoresque que celle de Naxos ou Parikia (Paros), elle a un aspect peut-être un peu moins “cycladique”, mais elle n’est pas désagréable à arpenter pour autant. Les petites rues piétonnes voient parfois leurs boutiques déborder un peu, c’est vrai, mais dans l’ensemble la ville n’est pas défigurée par de vilains hôtels à touristes. C’est une ville animée, sans que le rythme en soit effréné. Du reste, il y a une multitude de bons petits bars et restos, comme la taverna Gyropoleio, dans une petite ruelle du centre, qui propose souvlaki, gyros, fromages produits sur l’île…






Mais la vraie source d’inspiration et de dévotion des grecs orthodoxes, peu importe d’où ils viennent, ne se trouve certainement pas sur le tourniquet d’un présentoir de cartes postales. Non, l’épicentre spirituel et religieux de l’orthodoxie, il est là-haut, en surplomb de la ville, au bout de cette longue rue en ligne droite. C’est une église, la Panagia Evangelistria, symbole de l’île et lieu de pélerinage majeur. D’ailleurs, en longeant cette rue, tu verras immanquablement, le long du trottoir, une étroite allée délimitée par des cônes. Lors des grands pélerinages, un interminable tapis est posé sur le sol et monte jusqu’à l’édifice. Durant toute l’année, des pélerins gravissent la distance de 500 m, depuis le port jusqu’à l’église, à quatre pattes ou à genoux! Oui, tu as bien lu. Certains mettent des protections aux genoux ou se gantent les mains, et ont parfois un “accompagnateur” qui les ravitaille en eau, marchant à leurs côtés. Ce chemin de croix, oserai-je dire, dure souvent de deux à trois heures. C’est rarissime quand ça m’arrive, mais en voyant cette abnégation et ce courage, je sens l’émotion qui semble étreindre tout mon corps de l’intérieur, c’est troublant et difficile à expliquer (un peu comme à Madrid en 2014, au musée Reina Sofia, devant le Guernica de Picasso, où j’étais resté “paralysé” pendant 15 minutes à le fixer, mais çà c’est une autre histoire)…





Une fois au sommet, malgré l’effort surhumain produit par les pélerins, leur foi et leur dévotion restent intactes. Et c’est tout aussi vrai pour les fidèles qui n’ont pas fait le parcours à genoux. L’église est aussi belle qu’impressionnante. On ressent réellement la vénération des orthodoxes à l’égard des lieux, on sent qu’il se passe quelque chose de puissant d’un point de vue spirituel. Ils apportent des petites bouteilles ou des flacons qu’ils remplissent d’eau bénite, ils apposent pieusement leurs lèvres sur la Sainte-Icône de la Vierge (essuyée à chaque passage, hygiène oblige), ils brûlent des cierges… Je me sens presque un intrus dans cet univers, je n’ai pas levé mon appareil photo sur ces manifestations de foi. Aurais-je dû, ou pas, faire un cliché de cette pélerine? Pour ma part, c’était plus un hommage à son courage que de la curiosité malsaine… À la sortie du sanctuaire, tu verras curieux petit mausolée, où des images pieuses côtoient… une maquette de navire de guerre: il est dédié aux marins-soldats du navire Elli, coulé en 1940 par les Italiens “mussoliniens”. En tous les cas, il est impossible de ne rien ressentir en soi après la visite de cet endroit emblématique de la religion orthodoxe.











Allons, il est temps de se secouer et de se remettre de ses émotions! Je vais explorer l’île en voiture, comme à l’accoutumée, que je réserve dans une agence locale, souvent moins chère que les grandes enseignes. Bon, par où commencer? Avant de rejoindre mon lieu d’hébergement pour les deux nuits à venir (un peu de patience!), je choisis de partir vers l’ouest de l’île, ce qui me permet de suivre une magnifique route panoramique, qui surplombe la mer de façon assez majestueuse. Il est rare d’avoir une vue aussi étendue sur la mer Égée. Le paysage est pour l’instant très rocheux et minéral, ponctué de quelques anciennes cultures en terrasses et de bouquets d’arbres. Tinos est une île principalement montagneuse, aux paysages variés comme je le verrai au cours de mes déambulations.
Mon premier arrêt sera pour le village d’Isternia (Υστέρνια), un superbe village blanc à flanc de colline à 18 km de la capitale, un peu en retrait de la route à deux bandes qui va vers le nord de l’île. Les maisons blanchies à la chaux, aux portes et volets bleus, les bougainvilliers… tout celà pourrait sembler répétitif, mais pas du tout, aucun village des Cyclades, quelle que soit l’île, n’est une copie conforme de son voisin! Les ruelles d’Isternia, à l’instar de bien d’autres villages de Tinos, sont faites d’un dallage de marbre. Hé oui, le marbre, encore lui! Entre l’île de Tinos et ce matériau noble, c’est une histoire d’amour. Çà, on en reparle plus tard, promis (non, je ne procrastine pas, je fais durer le suspense pour te garder avec moi jusqu’au bout du voyage. Pas con, hein?). Par ailleurs, on trouve toujours quelques ateliers de sculpteurs dans le village, et certaines maisons ont les noms de leurs propriétaires gravés sur leur façade.












Au nord d’Isternia, un alignement d’anciens moulins à vent, en bien mauvais état excepté un seul, fait face à la petite église Agia Anastasia. Ce n’est pas forcément le site le plus exceptionnel de l’île, mais la perspective est intéressante.


