Tiens, ça fait quelque temps que j’ai publié un p’tit quelque chose! Et comme je ne bouge pas trop pour le moment question voyages… Je ne vais pas laisser le site trop longtemps en léthargie et regarder dans mon « coffre à souvenirs ». Paris, la « Ville-Lumière », pourquoi pas? Mais pas la tour Eiffel, Montmartre ou les Champs-Elysées, non, je ne vais pas te servir ce genre de plats réchauffés! Tapons dans l’insolite en nous baladant au gré des galeries et passages couverts de la capitale française, tu veux bien?
D’abord, c’est quoi un passage couvert?
Au moins ce n’est pas compliqué à expliquer, c’est une voie piétonnière qui passe au milieu de pâtés d’immeubles, pour passer d’une rue ou d’un quartier à l’autre. Surmontés bien souvent par une verrière et abritant diverse boutiques, ils permettaient aux gens de s’abriter des intempéries tout en pouvant faire du lèche-vitrine ou des achats. Joindre l’utile à l’agréable, quoi! Ils sont quasiment tous situés sur la rive droite de la Seine, cette partie de la ville étant davantage fréquentée par une clientèle bourgeoise. Les passages couverts ont été construits au cours du 19ème siècle; et bien que certains aient disparu à cause des travaux mégalos du baron Haussmann, il en reste actuellement une bonne vingtaine. Qui plus est, la création des fameux Grands Magasins et l’avènement du commerce de luxe du côté des Champs-Elysées leur a mis aussi un sacré coup de plomb dans l’aile… Mais pour ceux qui ont survécu, la magie opère toujours pour qui prend la peine d’y pénétrer.
Une grande balade au gré des passages couverts parisiens.
Je ne vais pas présenter tous les passages existant à Paris, je ne les ai pas tous exploré. Je ne les recenserai pas non plus par ordre géographique ou chronologique, mais de façon un peu aléatoire, au hasard de mes déambulations. Ils ne sont jamais très éloignés les uns des autres, mais un petit trajet en métro de temps à autre ne sera pas superflu non plus…
Commençons par exemple dans le 8ème arrondissement, sur la Place de la Madeleine, où se dresse l’église du même nom, avec ses airs de temple grec, que Napoléon voulut convertir en temple à la gloire des soldats de la Grande Armée (avant que ce rôle ne soit dévolu à l’Arc de Triomphe). Sur la place, au niveau d’un minuscule square planté de quelques arbres, se trouve un des accès de la galerie de la Madeleine. Pas forcément la plus connue ni la plus pittoresque, son accès côté place de la Madeleine est de style monumental avec ses deux statues de caryatides. Quelques petites boutiques de luxe côtoient le resto gastronomique Lucas Carton (un rien plus cher que la sandwicherie du coin).
À 500 mètres tout au plus, le passage Puteaux, discret et méconnu, peut se targuer d’être le plus petit passage de Paris: 29 mètres seulement! Rien à voir ici avec la ville des Hauts-de-Seine toute proche, le nom vient de Louis Puteaux, un promoteur et conseiller municipal du 19ème siècle. En plus d’être le plus court, on pourrait même le qualifier de « plus malchanceux »: il devait ni plus ni moins être une des portes d’entrée de la gare Saint-Lazare, qui devait être bâtie dans le secteur. Mais une levée de boucliers des riverains a conduit à une délocalisation de l’édifice plus au nord! Çà c’est ballot…
On part à présent un peu plus à l’est, à quelques pas du Louvre et des jardins du Palais-Royal, dans le 1er arrondissement. La galerie Vero-Dodat est une des plus stylées de la capitale: avec son sol carrelé en damier, sa verrière et ses anciennes boutiques, elle dégage un charme suranné et envoûtant. Son nom vient de l’association de deux personnes qui ont oeuvré pour la création de ce passage: Benoît Vero, charcutier de son état, et François Dodat, un promoteur. Il y avait à proximité une importante station de diligences, où les voyageurs en attente de leur trajet profitaient des boutiques de la galerie; la disparition progressive des services de diligences ralentira fortement la fréquentation de la galerie. Elle est assez peu fréquentée de nos jours, ce qui n’est pas désagréable au final! On y croise ici la devanture d’un antiquaire, là celle d’un artisan luthier, ainsi qu’un petit resto sympa encore authentique.
Juste au nord des jardins du Palais-Royal (nous voilà dans le 2ème arrondissement), la rue des Petits-champs est l’un des accès à la galerie Colbert, ouverte en 1827 pour concurrencer la galerie Vivienne toute proche (cette dernière aura finalement plus de succès). Menacée par son délabrement, elle fut rachetée et rénovée dans les années 1980 par la Bibliothèque Nationale. Elle abrite aujourd’hui l’INP (Institut National du Patrimoine), ainsi que des salles de cours de plusieurs universités parisiennes. Sa rotonde centrale est surmontée d’une verrière de toute beauté.
Justement, celle-là même qui fait tant d’ombre à la galerie précédente, là voilà, juste à côté: la galerie Vivienne! C’est un des passages couverts les plus connus et les plus fréquentés de Paris. Et ça se comprend aisément, c’est une petite merveille avec ses incroyables mosaïques au sol, son éclairage ornemental et sa verrière qui tient la comparaison avec son homologue de la galerie Colbert. Construite en 1826, elle s’appellera d’abord « galerie Marchoux » du nom du notaire qui en a financé les travaux, avant de changer pour « Vivienne », du nom de la rue éponyme. L’endroit est resté très vivant et animé: des bars et salons de thé tiennent compagnie à des boutiques d’antiquaires et de mode, ainsi qu’à une vénérable librairie réputée et un chouette magasin de jouets anciens.
Pour la séquence « anecdote », le N°13 de la galerie a servi d’habitation à une célébrité du 19ème siècle: Eugène-François Vidocq, le bagnard devenu flic, celui-là même qui a inspiré le personnage de Jean Valjean à Victor Hugo!
Toujours dans le 2ème arrondissement, à plus ou moins égale distance du Palais-Royal et de l’Opéra-Garnier, voici le passage Choiseul, qui est le plus long passage couvert parisien avec 190 m de long. Il abrite aussi bien des boutiques et des restaurants que des habitations privées, les deux enfilades de bâtiments en vis-à-vis étant surmontées d’une longue verrière. Petit détail: à son entrée de la rue des Petits-Champs, il se nomme encore passage de Choiseul. Il abrite un des accès au théâtre des Bouffes-Parisiens. Tiens, pourquoi on dit « bouffes »? Celà vient d’un genre d’opéra italien au style comique et léger, « opera buffa », venant de « buffa » signifiant « plaisanterie ».
Un peu plus au nord, à deux pas de la jonction de trois grands boulevards (Bds Haussmann, Montmartre et des Italiens), le passage des Princes, ouvert en 1860, a échappé de justesse à la frénésie destructrice du baron Haussmann. Ce qui n’a pas empêché d’être malheureusement rasé en 1985 pour une opération immobilière, mais dieu merci, il fut reconstruit à l’identique ultérieurement. Il est bien joli et affiche des petits airs de galerie Vero-Dodat avec son carrelage en damier et sa belle verrière. En 2002, la chaîne de magasins Jouéclub investit le passage en installant plusieurs boutiques réparties en « sections ». super pour les gosses, OK, mais ça détonne un peu quant à l’atmosphère qu’on s’attend à trouver dans un passage couvert. Mais en 2022, suite à de nombreuses crises (mouvements sociaux, covid…), clap de fin: l’ensemble a mis la clé sous le paillasson…
Dans le 2ème arrondissement, on sort à peine d’un passage couvert que, quelques instants après, hop, en voilà un autre qui se présente. Nous voici Boulevard Montmartre, quasiment en face du musée Grévin. C’est ici qu’on pénètre dans le passage des Panoramas, un des plus anciens de Paris (1799). Son nom vient de la présence, au 19ème siècle, des deux panoramas installés dans deux anciennes rotondes; un panorama était une immense peinture circulaire à 360 degrés, attraction locale de l’époque. C’est le petit paradis des philatélistes et des amateurs de cartes postales anciennes (l’ancienne imprimerie Stern a toutefois fermé en 2014 pour faire place à un restaurant huppé). Le passage est relié au Théâtre des Variétés par la galerie adjacente du même nom.
En sortant du passage des Panoramas côté Boulevard Montmartre, pile poil en face nous attend un autre passage. Du même coup, en traversant à pied le Boulevard Montmartre, on franchit la limite entre les 2ème et 9ème arrondissements de la ville. On peut maintenant faire notre entrée dans le passage Jouffroy. En voilà un qui se démarque franchement de ses collègues: sa construction a privilégié l’utilisation du verre et du métal, et un innovant système de chauffage par le sol y a été installé. On peut y dégoter quelques anciennes boutiques sympas, comme ce marchand de cannes et parapluies, ou encore deux magasins jouets au style moins « usine » que JouéClub: La Boite à joujoux et Pain d’Épices. Le passage Jouffroy a un autre atout en poche: la sortie du fameux musée Grévin, tout à côté, se trouve à l’intérieur! Et c’est pas fini: on peut même y passer la nuit, à l’Hôtel Chopin!
Tu remarqueras, dans presque tous les passages couverts, la présence d’une horloge. À l’époque, de nombreuses lignes de diligences démarraient de l’entrée des passages. En attendant le départ, les voyageurs pouvaient faire leurs petites emplettes, tout en ayant toujours l’heure dans leur ligne de mire!
Une fois sorti du passage Jouffroy, sur la rue de la Grange Batelière, en voilà un troisième en face, dans le prolongement des deux précédents! C’est le passage Verdeau, qui souffre peut-être un peu de la renommée de ses deux « prédécesseurs », mais qui est le chouchou des antiquaires, l’Hôtel des ventes Drouot se trouvant à proximité. On y trouve aussi quelques librairies spécialisées, ou encore une boutique d’anciens appareils photos.
Pour rejoindre notre prochain passage, on va marcher un petit kilomètre pour se retrouver dans le 10ème arrondissement, au niveau du Boulevard de Strasbourg qui rejoint la gare de l’Est. Celui-là n’est peut-être pas le plus long ou le plus beau, mais à coup sûr le plus dépaysant et exotique: bienvenue dans le passage Brady! Nous voilà propulsés à travers l’Inde et le Pakistan, avec ses odeurs d’épices et de curry, ses restaurants où virevoltent des serveurs au sourire inimitable… Mais comment diable ont-ils atterri ici? En 1976, Antoine Ponnoussamy, originaire de Pondichéry (en Inde, pour ceux qui dormaient au fond de la classe), débarque à Paris et ouvre ici l’épicerie Mourougan (actuelle épicerie Velan), qui attire une foule de clients. Les commerces et restos indiens se sont par la suite multiplié à la vitesse grand V! À noter aussi, cette autre particularité: le passage Brady possède une partie couverte d’une verrière et une autre à l’air libre, de part et d’autre du Boulevard de Strasbourg.
En suivant maintenant le Boulevard de Strasbourg vers le sud, on rattrape le Boulevard Sébastopol, en étant de retour dans le 2ème arrondissement. On n’est pas très loin du Forum des Halles et du Centre Pompidou. Voici un des passages les plus méconnus de Paris: le passage Bourg-l’Abbé. Le Boulevard de Sébastopol ne lui a pas fait de cadeau, car le passage a été amputé presque de moitié lors du percement de ce dernier. Il ne mesure plus que 47 m de long. Après un incendie dans les années 1990, une restauration lui a permis de retrouver son charme d’autrefois. Il reste néanmoins peu fréquenté de nos jours.
En sortant par la rue Saint-Denis, un autre passage s’ouvre de l’autre côté de la rue. C’est le passage du Grand-Cerf, très lumineux grâce à sa vaste verrière et sa hauteur (avec 11 m à partir du sol, c’est le plus haut passage couvert parisien). Il fut construit à l’emplacement de l’ancienne Hôtellerie « le Grand Cerf », d’où son nom. Quoiqu’il en soit, lui aussi revient de loin! Après avoir été la propriété de l’Assistance Publique pendant longtemps, mais son délabrement progressif et inexorable le transforma en château de cartes placé devant une soufflerie… L’institution finit par s’en séparer dans les années 1980, le cédant à trois entreprises de restauration; le passage fut reconstruit à l’identique, pour le plaisir des visiteurs d’aujourd’hui. en tous les cas, il est moins tristounet que son voisin d’en face. Il a une autre particularité aussi unique qu’insolite: c’est un des rares endroits de Paris où les commerçants acceptent les paiements en bitcoins, cette fameuse cryptomonnaie! Étonnant, non?
Voilà, comme je te le disais plus haut, ce petit inventaire est loin d’être exhaustif, il y en a d’autres que je n’ai pas eu l’occasion d’explorer. Mais si jamais tu veux passer une petite journée à Paname style « hors des sentiers battus », si tu veux éviter les files devant la tour Eiffel, la place du Tertre et ses portraitistes caricaturaux ou encore les balades insipides en bateau-mouche, l’exploration des passages couverts peu s’avérer une activité enrichissante et passionnante. Et surtout s’il pleut, au moins tu seras au sec!
« La lumière moderne de l’insolite règne bizarrement dans ces sortes de galeries couvertes qui sont nombreuses à Paris aux alentours des grands boulevards, et que l’on nomme d’une façon troublante des passages, comme si dans ces couloirs dérobés au jour, il n’était permis à personne de s’arrêter plus d’un instant ».
Excellent , merci pour ces idées hors des sentiers battus pour visiter Paris. Et surtout quand il pleut !!
Oui, et ça fait un bien fou aussi de pouvoir éviter les hordes de touristes! 😏
Je ne les connais pas tous, mais je me rappelle bien la galerie Vivienne où mon fils a soutenu sa thèse dans une de salles dans les étages.
Merci pour ce billet intéressant
Et Bonne semaine.
Merci à vous pour votre fidélité et à bientôt pour de nouvelles aventures!
J’ignorais que Paris avait tant de passages couverts. Très intéressant, merci !
Et qui plus est, je ne les ai pas tous explorés! 😉