2022. Après deux années instables dans le monde du voyage, ça commence à aller mieux. Inutile de te dire que mon sac et moi, on a la bougeotte! Alors en ce beau mois de mai, je m’en vais explorer un chouette petit pays du territoire des Balkans: le Monténégro! Je n’attends plus que toi pour démarrer…
- Mais d'abord, les présentations…
- Podgorica, la capitale.
- Kolašin et le parc national de Prokletije.
- Le parc national de Durmitor.
- De Žabljak à Ostrog, mais pas par le chemin espéré…
- Le parc national du Lovćen et Njeguši.
- Les bouches de Kotor.
- La côte adriatique.
- Le lac Skadar et Cetinje – Fin du voyage!
- LE "DEBRIEF" DU VOYAGE:
Mais d’abord, les présentations…
Tu t’y es habitué, à ce petit chapitre “préambule” avant d’attaquer le voyage. C’est vrai que c’est bien de savoir où on va mettre les pieds. Pour le situer, ça va être d’une facilité déconcertante: si tu suis mes voyages, tu sais où se trouve la Croatie. Bien plus au sud, il y a l’Albanie. Et entre les deux, un petit pays borde la mer Adriatique: le Monténégro. En monténégrin, son nom est Crna Gora, “Montagne Noire”, par rapport aux forêts sombres qui le recouvraient autrefois. Il a une frontière avec la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Kosovo.


Il n’est pas immense: 13.812 km² pour un peu plus de 600.000 habitants. Mais il possède une diversité qui ferait pâlir d’envie plus d’un: des paysages montagneux hallucinants, un canyon parmi les plus profonds d’Europe, un vaste lac, une superbe côte adriatique… C’est pas pour rien qu’on trouve 5 parcs nationaux au Monténégro!
Quoi d’autre? Côté religion, les monténégrins sont en majorité orthodoxes (70%), le reste se partageant en gros entre les musulmans et les chrétiens. Langue officielle: le monténégrin, se rapprochant beaucoup du serbe. Pour la monnaie, pas de problème, c’est l’Euro. Mais attention, comme le pays est hors de l’espace Schengen, tu auras intérêt à acheter une carte SIM locale (réseaux Telenor, T-Mobile et m:tel). Heureusement, c’est pas cher et il y a toujours un bon paquet de Gb de data en prime!
Son drapeau:

Son hymne:
Son code d’imatriculation:

Bon, y a plus qu’à lancer la phrase “culte”: le décor est planté, on peut y aller!
Podgorica, la capitale.
Me voilà arrivé à l’aéroport de Podgorica, après une petite escale par Vienne. Il est récent (inauguré en 2006), franchement modeste en taille comparé à ses copains XXL d’autres capitales et le choix de destinations n’est pas pléthorique! Pour remorquer les chariots à bagages, un vieux tracteur agricole “customisé” avec des yeux et des dents peints sur l’avant… OK, pourquoi pas? Bienvenue au Monténégro! Pour rejoindre la capitale, à 7 km d’ici, même pas de bus, et la petite gare est à 1 km. Après, une course en taxi ne te coûtera que 12€.
La capitale monténégrine, Podgorica (à prononcer “Podgo-Ridza”), reste méconnue, ce n’est pas celle que tu trouveras du premier coup lors d’un quizz sur les capitales d’Europe! Durant la Seconde Guere,elle a pris très cher, tant en dégâts matériels qu’en pertes humaines. En 1946, elle devient la capitale du Monténégro et sera rebaptisée Titograd, avant de reprendre son nom antérieur en 1992.
Donc, après un court trajet en taxi, je descends face à la gare de Podgorica. Rien de spécial à en dire, on peut pas dire que les trains se bousculent sur les voies. Juste en face, c’est la gare routière; le réseau de bus est bien fichu, pas cher et desservant de nombreux coins du pays.
Alors, c’est comment, Podgorica? Elle n’est pas bien grande, et paraîtra au premier abord plutôt hétéroclite; après les barres d’immeubles en périphérie, on arpente une ville moderne aux larges rues à angle droit et aux bâtiments néoclassiques (reconstruction oblige), où se trouve la majorité des commerces et restos. Mais le contraste peut très vite s’opérer, la preuve avec ce petit quartier où je dors en airbnb, à même pas 10 minutes de la gare, qui ressemble à un petit village, et où un minuscule bar est venu se “greffer” aux murs d’une prison abandonnée!








Oui, je conçois que Podgorica puisse paraître terne et d’un intérêt limité en comparaison aux beautés naturelles du pays, mais il faut savoir regarder avec un oeil plus attentif, capter des détails insolites, comme cette antédiluvienne boutique de TV et radios d’un autre âge, ou encore la fresque murale d’un chanteur sur un bâtiment…


Podgorica est traversée par la rivière Ribnica. On irait pas voir ce qui se passe sur l’autre rive? En franchissant par exemple le fameux Pont du Millenium, quasiment devenu le monument emblématique de la ville; ce pont à haubans n’est pasimmense, mais son architecture audacieuse lui donne du style.



C’est de ce côté que se dresse le plus grand édifice orthodoxe du pays: la cathédrale de la Résurrection-du-Christ. Un peu comme le Vieux Pont de Mostar, son âge surprend: plusieurs siècles? Certainement pas, elle a été bâtie entre 1993 et 2013! Tu parles d’une jeunette! Donc, pas de fresques défraîchies ou à moitié effacées ici, mais des peintures très colorées, certaines très contemporaines! Si tu lèves la tête à gauche après être entré, tu verras les têtes de certains gars qui n’ont rien à voir avec des saints: Marx, Engels, Tito… qui passent des vacances éternelles en Enfer! Et dire que la ville s’est appelée Titograd durant presque un demi-siècle…





Je reviens vers la ville par une passerelle piétonne pour atteindre un joli coin de la ville: un vaste parc arboré qui tient compagnie aux ruines d’une ancienne forteresse et à un vieux pont de pierre. Podgorica a l’avantage de disposer de pas mal d’espaces verts. De plus, elle est vraiment à taille humaine et pas encore pourrie par le tourisme de masse. Ce qui fait que les locaux gardent une attitude naturelle, sans être robotisés à faire “hello” juste pour entrer dans une boutique ou un resto. Et çà, c’est vraiment top!




La “vieille ville” n’est pas loin, elle n’est pas très grande mais très agréable à découvrir au gré de petites ruelles bordées de maisons basses et ponctuée de quelques petites mosquées, souvenir de son passé ottoman. Et impossible de rater la vieille Tour de l’Horloge (“Sahat Kula”), haute de 16 m et épargnée par les bombardements de la Seconde Guerre.



La soirée s’amorçe déjà, hé bien il est temps d’établir un premier contact avec la cuisine monténégrine! Ici au moins, pas de rabatteurs devant les restos et pas de menus en 5 langues… J’avais repéré, pas loin de la gare, un rostilj (dans les Balkans, c’est un petit resto spécialisé en viandes grillées et autres spécialités locales). OK ça me va! Bon, que vais-je goûter? Voyons voir ce que c’est que les popeci: on dirait des cordons bleus “roulés”, farçis au jambon et recouverts de crème kajmak, très commune dans les Balkans; souvent servis par trois, c’est copieux et super bon. Belle entrée en matière! Je fais aussi connaissance avec la bière principale du pays, la Nikšićko, une blonde légère et rafraichissante.
Roštilj Janković – à l’angle des rues Djecevica et Vlada Martinovića.


Kolašin et le parc national de Prokletije.
J’ai pris rendez-vous ce dimanche matin avec une agence locale de location de voitures pour prendre possession de mon destrier durant une semaine. C’est moins cher que les grandes enseignes, même si parfois les véhicules ne sont plus tout jeunes! Je démarre face à la gare. Comme les supermarchés sont fermés aujourd’hui, je me rabats sur une station-service; en général, on y trouve toujours l’équivalent d’une petite supérette.
Mais pour commencer, je vais faire quelques km, entre la ville et l’aéroport. Je vais voir les chutes du Niagara. Euh, pardon? Téléportation instantanée entre les USA et le Canada? Pas du tout! Et pourquoi le Monténégro ne pourrait-il pas avoir SES chutes du Niagara? Explication: le cours de la rivière Cijevna est ponctué par quelques rapides et surtout, une chute à débit assez costaud principalement au printemps. D’accord, elle n’a pas les dimensions colossales de la version américaine, mais c’est une petite excursion insolite à faire autour de Podgorica.



Tout autour, des vignes, à perte de vue. Et dire qu’elles font partie d’un seul domaine: Plantaže, un des plus vastes domaines d’Europe avec 2300 hectares pour une trentaine de cépages différents! Plantaže assure la production de 80% de la production viticole du Monténégro.



Je contourne maintenant Podgorica pour partir vers le nord, par une route sublime qui longe les gorges de la Morača, sans doute moins impressionnantes que celles de la Tara ou du Verdon, mais offrant quand-même de sacrés points de vue! La route à deux bandes est bien entretenue, et le passage dans quelques tunnels creusés dans la roche fait toujours son petit effet. Au nord des gorges, le monastère orthodoxe de Morača est l’un des édifices religieux majeurs du pays, pas mal fréquenté… surtout les week-ends.






Après 25 km de route qui grimpe progressivement et livre de somptueux paysages de montagne, voilà que j’arrive à Kolašin, petite ville tranquille combinée à une station de sports d’hiver, qui a gardé son authenticité et n’a pas vendu son âme au tourisme bling-bling comme on voit dans les stations de ski huppées. Beaucoup de pancartes “sobe” ou “apartman”; oui, l’hébergement chez l’habitant marche bien au Monténégro, comme un peu dans tous les Balkans.





Mais regarde-moi un peu ce bâtiment bizarroïde, tout en saillies, genre Rubik’s Cube qu’on aurait stoppé en cours de route. C’est quoi ce truc? Voilà un excellent exemple de l’architecture d’après-guerre dans les Balkans, avec des bâtisses et des monuments aux formes improbables. Ici à Kolašin, il abritait l’Hotel de Ville et un centre culturel. Initialement il a été construit pour commémorer la première assemblée du Conseil antifasciste pour la libération du Monténégro. Son entretien ayant été retiré du budget régional, le bâtiment part en vrille et se dégrade; il y a même des rumeurs de démolition dans le futur. Affaire à suivre…



Il est temps d’aller manger un bout, tu m’accompagnes, bien sûr? À 2 km de Kolašin, voivi une espèce de grande hutte avec un nom en cyrillique. C’est un resto traditionnel bien connu dans le coin. Je vais goûter au kačamak, un mélange de pommes-de-terre et de fromage qui rappelle beaucoup la truffade auvergnate. Je l’accompagne pour une fois de vin, un Vranac rouge, un des vins les plus connus du pays.



Je quitte Kolašin pour emprunter une petite route de montagne peu fréquentée et de qualité aléatoire (quelques belles ornières qui ne préviennent pas quand elles sont là). Je reste sur mes gardes, car la région de Kolašin est active dans l’industrie du bois, et se retrouver face à un semi chargé de grumes demande du doigté pour le croisement! Mais hormis quelques voitures, j’ai pas eu ce cas de figure. Les paysages de montagne s’affirment davantage, dommage que le temps grisonnant et une petite bruine viennent gâcher la limpidité de l’horizon.




Je passe bientôt près de la petite ville de Plav et son lac, mais çà ce sera pour demain. En attendant, je viens de pénétrer dans le parc national de Prokletije, le plus récent des 5 parcs nationaux du Monténégro, “intrônisé” en 2009. Ici c’est du sérieux, de la vraie montagne: le point culminant du pays se trouve ici, à 2534 m d’altitude. Le parc s’étend entre le Monténégro, l’Albanie toute proche et le Kosovo.
Je fais un petit stop au village de Gusinje, qui représente un peu la porte d’accès aux innombrables randonnées qu’on peut faire dans les montagnes du Prokletije, là-bas au loin. J’aime bien cette rue où, en l’espace de 300 m, une église catholique, une église orthodoxe et une mosquée se suivent, semblant former une chaîne symbolique de tolérance. Apparemment, il n’y a pas qu’à Sarajevo qu’on voit çà!




C’est dans ce Monténégro plus rural, plus “brut”, que tu croiseras un vrai Barnum de véhicules sans âge et assemblages improbables: un motoculteur customisé avec une remorque, des pick-up rouillés sans plaque d’immatriculation (peut-être dans l’habitacle? J’en sais rien), des chèvres dans un coffre de break… Et toujours ces vieux modèles, comme la fameuse Lada “Jigouli”, tout en angles droits et les petites Yugo qui, malgré leur réputation de voiture merdique, roulent toujours 20 ou 30 ans après! Alors quoi, les critiqueurs?
À quelques km de Gusinje, par un petit chemin étroit dévoilant des paysages à mettre K.O le plus blasé, se profile la vallée de Grebaje, genre de “mini” cirque de Gavarnie, fermée par de hautes parois rocheuses. De l’autre côté, c’est l’Albanie. C’est ici que se dressent les plus hautes montagnes du parc.




Ne t’inquiètes pas de cette barrière fermée: c’est le petit poste pour s’acquitter du modique droit d’entrée de 1€! Plus loin, un petit parking coïncide avec le point de départ de plusieurs sentiers de randonnée. Une balade facile permet d’atteindre le fond de la vallée, où paissent encore de paisibles vaches (si elles sont avec leurs veaux, il vaut mieux les contourner, on ne sait jamais). Au niveau beauté du paysage, on se prend une vraie claque, c’est incontestable! J’aperçois cette étrange formation rocheuse, les kissing cats, qui ressemblent à deux matous qui se font un bisou. Au retour, je papote avec un gars en balade avec ses enfants; j’apprends qu’il est garde-frontière tout là-haut, entre le Monténégro et l’Albanie. Pour passer la frontière à travers la montagne, il faut remplir un petit formulaire, qu’on peut trouver sur internet.










Pour la nuit, je pose mon sac dans le hameau de Vusanje, à quelques km de l’Albanie, dont la frontière passe à travers la chaîne montagneuse. Les proprios de la petite guesthouse sont d’ailleurs albanais. La proximité de ce pays explique sans doute le nombre de mosquées plus important dans ce coin du Monténégro. Vusanje, c’est un chapelet de petites maisons éparpilles, une rivière avec une cascade petite mais puissante, et des petits chemins de randonnée où on croise moins de monde que dans la vallée de Grebaje. Des vaches, des chèvres, une toutou sympa qui m’a accompagné sur un bout de chemin… Le charme “brut de décoffrage” du Monténégro rural!













Le parc national de Durmitor.
J’adore les petits-déj’ des petites chambres d’hôtes , il y a toujours des surprises. Ici c’est plutôt “salé” avec fromage, charcuteries, saucisse grillée… À la fin du repas, le maître des lieux apporte une étrange bouteille sans étiquette… ooh, j’ai ma petite idée! Et il prononce le mot magique: rakija, cette eau-de-vie emblématique des Balkans! Surtout que les versions artisanales sont souvent plus corsées et intéressantes que les rakija des restos. C’est ce qui s’appelle bien commencer sa journée! Les deux autres résidents, un couple de finlandais, encaissent avec plus de crispation, on sent le manque d’habitude. Moi j’en prendrai même un petit deuxième, mais on s’arrêtera là, j’ai besoin de ma concentration pour les routes de montagnes qui m’attendent!
Je me dirige vers Plav, en repassant par Gusinje. Quelques tranches de vie rurale: des vaches au milieu de la route, un gars sur un VTT avec une masse sur l’épaule, un chien qui traîne une oie morte dans sa gueule… Il commence à pleuvoir un peu. Après Gusinje, sur les côtés de la route à deux bandes, des fermiers, certains sous un parapluie, conduisent de petits groupes de 3 ou 4 vaches. Mais me voilà arrivé à Plav, petite ville tranquille au bord de son lac entouré par les montagnes. Ici le passé ottoman est bien visible, avec ses deux mosquées et la Kula Redžepagića, une tour défensive su 16ème siècle. Et les proportions sont inversées: c’est 80% de musulmans pour 20% d’orthodoxes à Plav.








En attendant, les supermarchés sont encore fermés, bien qu’on soit lundi. J’en aurai l’explication plus tard dans la journée. Je refais la route inverse d’hier, jusque Kolašin. Je croise quelques voitures, et je vois que comme en Bosnie, les monténégrins ne ralentissent pas facilement quand ils viennent d’en face. Mais ça va, par expérience de ce genre de routes je sais gérer. J’aime mieux le croisement bien “net” et rapide d’un autochtone, plutôt qu’un touriste qui va transpirer un litre par seconde juste parce qu’il faut mordre le bas-côté de 10 centimètres…
Après Kolašin, je reprends la direction de Podgorica, guettant une panneau qui va me montrer la suite du voyage. Ah, ça y est, dans une courbe: “Žabljak – Šavnik”. Combien de km? Aucune idée. Tu verras que les panneaux des routes secondaires n’indiquent quasi jamais les distances; au final, sur les routes de montagne, ça sert pas à grand-chose, ça se calcule en heures, pas en km! Surtout que cette petite route R18 n’est pas mal: bien qu’à deux bandes, elle change de largeur je ne sais combien de fois, elle a son lot d’ornières, on peut tomber sur un troupeau de moutons dans un virage (avec un berger, heureusement); mais le gros souci vient surtout des chutes de pierres, il faut savoir slalomer entre les gros cailloux disséminés sur l’asphlalte, et ne pas rouler au-dessus d’une trop grosse pierre. Si un de ces trucs rencontre un pare-brise, la retouche “résine de Carglass” ne pourra rien faire… Gardons quand-même ce point positif: la beauté des paysages et des panoramas jusque Šavnik! À noter aussi que je passe à l’ouest du parc national Biogradska Gora, le plus petit des cinq parcs monténégrins, essentiellement compsé de denses forêts.



Les premières maisons réapparaissent, j’approche de Šavnik. Direction Žabljak à présent, à 25 km de là. Je vais maintenant pénétrer dans le parc national de Durmitor, probablement le plus connu des parcs nationaux monténégrins! Devenu parc national en 1978 et entré au patrimoine de l’Unesco en 1980 (ça n’a pas traîné!), cette merveille s’étend sur 39.000 hectares. Et c’est du grandiose, crois-moi: les paysages sont plus vastes, le décor montagneux est plus minéral que dans le Prokletije. Les montagnes du Durmitor ne craignent pas de dépasser fréquemment les 2000 m, ponctuées ici et là de petits lacs glaciaires. Pas mal de pâturages étendus aussi, avec parfois des petits murets de pierre. Et ces petites huttes en bois? Hé bien ce sont des katun, des petites cabanes utilisées autrefois par les bergers. Quelques-unes subsistent encore, d’autres ont été reconverties et construites pour l’hébergement touristique. Je t’en reparle plus tard.



Žabljak, c’est la plus grosse localité du Durmitor et l’épicentre touristique du moins sur l’hébergement. Oui, il y a bien quelques petites maisons en bois et des petites rues bucoliques, mais quand tu vois la rue principale, ça donne pas envie tout de suite. Immeubles modernes, centres commerciaux, c’est pensé avant tout pour le tourisme. Faut pas oublier qu’en hiver Žabljak devient une station de ski!
Sur une butte, un peu à l’écart, un spomenik (* un monument, dans les Balkans) en forme de pyramide, rend hommage aux victimes du fascisme durant la guerre. Ces monuments sont toujours surprenants. En contrebas, une petite église côtoie un cimetière. Du haut de la butte, on a déjà un beau point de vue sur la ville et les montagnes aux alentours.







À quelques km de Žabljak, le lac noir (crno jezero) est le plus connu des lacs du Durmitor. Après un petit parking, 10 minutes de marche permettent de l’atteindre. Enfin bon, je devrais parler au pluriel car il s’agit de deux lacs, reliés entre eux par un étroit passage. Et pourquoi “noir”? L’eau est bien limpide pourtant! C’est parce qu’il est entouré d’un sombre massif de pins noirs qui se reflètent dans l’eau et lui donnent des reflets foncés. On peut en faire le tour à pied (4 km, c’est vite fait) et même louer des petites barques.




Si le parc de Durmitor était un château, il aurait des douves incroyables. À l’ouest se déploient les gorges de la Piva, et à l’autre extrémité ce sont les gorges de la Tara, les plus longues et les plus profondes d’Europe avec parfois des parois de 1300 m. Une petite route part de Žabljak, dévoilant des paysages de plus en plus ébouriffants; il y a encore des plaques de neige sur les côtés, ça grimpe et c’est étroit, attention donc. Le panorama sur les gorges est phénoménal, il justifie la grimpette à lui tout seul! À l’est, à 25 km de Žabljak, le Tara bridge offre une sacrée vue plongeante sur la rivière Tara.






Je reviens vers Žabljak. Le temps est vilain sur les sommets, et j’entends l’orage. J’espère qu’il n’y a personne tout là-haut! C’est vrai que la météo est toujours versatile en montagne. J’ai encore un peu de temps, je vais aller explorer les premiers kilomètres de la mythique route P14, qui relie Žabljak au canyon de la Piva; c’est sans doute une des plus belles routes de montagne du pays, avec des paysages à te mettre K.O. En principe, je la suivrai demain matin. Mais… au niveau d’une petite cabane isolée (en fait, un petit bar de montagnes), un petit éboulement et une barrière “closed” me refroidit. Pourtant, en poussant une ou deux pierres, c’est jouable de passer. Non, on verra demain, je me renseignerai, on verra. En attendant, je vais descendre à pied par un sentier jusqu’à ce petit lac d’altitude, mais je ne traîne pas, car il commence à pleuvoir et l’orage est plus proche (tu sais, le truc des secondes après l’éclair).




Mon hébergement se trouve au début de la P14. C’est le Katun Etno Selo, un ensemble de petites cabanes (les katun, dont je parlais plus haut), aménagées pour une ou deux personnes, faites avec du vrai bois, parfois spartiates mais disposant quand-même d’électricité. Ça ne fait pas du tout “kitsch touristique”, on marche dans l’herbe et la terre (tant pis pour la boue!), au milieu de chevaux et chèvres en semi-liberté. Les proprios y font quelques travaux sans qu’on en soit gêné, c’est clair je vais me plaire ici!




Le maître des lieux, Ivan, me dit qu’avec les travaux, il n’y a pas de repas du soir, mais il peut me dépanner avec du pain ou du fromage. OK on se voit tout à l’heure. Plus tard, je me rends donc au petit bar où quelques ouvriers se reposent de leur journée; ils me montrent un katun derière moi et je vois Ivan me faire signe de venir. Carrément chez lui, hé ben! Et il disait quoi? Pain et fromage? Moi je vois du saucisson, un burek XXL, des morceaux d’agneau roti… J’ai pas le temps de finir ma part que hop! Il me recoupe des tranches de charcutaille, et les morceaux de viande remplacent déjà celles que j’ai fait disparaître! Ivan, tu as décidé de me faire éclater? Heureusement qu’une bonne Nikšićko est là pour tout faire glisser! Juste à côté, dans un fauteuil hors d’âge, sa femme chante une berceuse en serbe à une petite loupiote de quelques mois à peine. L’hospitalité, la chaleur humaine… ça fait plaisir de voir que ça existe toujours.
De Žabljak à Ostrog, mais pas par le chemin espéré…
Grand soleil ce matin, la journée démarre bien! Je repasse vite fait par Žabljak, les supermarchés état ouverts aujourd’hui. Enfin je peux le placer, mon petit paragraphe spécial “supermarchés du pays visité”! Ici c’est simple, les deux têtes de gondole, c’est Voli et Idea. Sinon, on peut facilement trouver des minimarkets dans chaque ville et village. Ah, et pourquoi ils étaient fermés, au fait? C’était la Fête de l’Indépendance, qui commémore le référendum du 21 mai 2006 oùl les électeurs monténégrins se sont prononcés en faveur de la séparation avec la Serbie.


Petite scène cocasse à Žabljak: une vache se balade en liberté sur la rue principale. Une voiure de police s’arrête, le policier l’escorte gentiment sur le côté, après avoir pris en photo le placide bovidé. Je pensais presque qu’il allait faire un selfie avec… Bref, moi je retourne sur la route P14, et dans ma tête ça joue au tir à la corde: mon “moi” raisonnable me dit de ne pas y aller, Ivan m’ayant dit que c’était fermé à cause des congères de neige, mon “moi” barjot me dit que peut-être en passant en force… Bon, je croise deux motards, ils roulent pépère, je les arrête et m’enquiert de la situation: “No, closed because of the snow”. Ils ont rebroussé chemin. Si même les motos ne passent pas, c’est pas la peine. Et la neige, je me rappelle encore de l’épisode inattendu en Slovénie l’année précédente! Vachement dommage. Remarque, quel événement: pour une fois que mon côté “sage” prend le dessus! J’ai quand-même fait quelques photos plus “ensoleillées”. Et j’aurai eu un petit aperçu de la route sur quelques kilomètres.









Je dois faire un détour par Šavnik et Krnovo, ce qui double la distance mais pas la durée, vu que ce sont en majorité des voies rapides. Là, je me dirige vers Plužine, gros village qui n’a rien de transcendant mais qui est, avec son beau lac turquoise, le point d’entrée de la rivière Piva dans un des plus beaux canyons d’Europe. La Piva part ensuite vers la Bosnie-Herzégovine et rejoint la Tara pour former la Drina, rivière qui forme en partie une frontière naturelle entre la Bosnie et la Serbie. Et ce lac, c’est quoi? C’est le résultat de la construction d’un barrage à 17 km de Plužine, qui a fait “gonfler” la Piva. Après le barrage, vers le nord, les gorges proprement dites de la Piva dévoilent enfin toute leur beauté. La route passe parfois sous des tunnels de longueur variable, mais pas éclairés, donc attention au contraste brutal clarté/obscurité! 10 km plus loin, c’est la Bosnie-Herzégovine. Sur la droite, à un moment, une toute petite route passe sous un tunnel: c’est la fin de la P14, que j’aurai dû prendre si cette foutue neige ne s’en était pas mêlé… Grrr!










À 9 km au sud de Plužine, le monastère de Piva est un autre édifice orthodoxe important du Monténégro. On pourrait croire qu’il est posé là depuis des siècles, mais c’est faux. Il était auparavant au bord de la Piva, mais la construction du barrage l’a contraint à déménager plus en hauteur. Il a été démonté et rebâti pierre par pierre, et tout ce mikado n’a été terminé qu’au début des années 80, au bout de 10 ans d’efforts! Le monastère se compose d’un mur d’enceinte, d’une église, des habitations des moines et d’un four à pain. C’est plutôt sobre de l’extérieur, mais les peintures et les icônes à l’intérieur de l’église sont fascinantes.





D’un monastère à l’autre, ça fait environ 70 km de route, en passant par Nikšić sans m’y arrêter. C’est la deuxième plus grande ville du pays, doublé d’un important pôle industriel. C’est là entre autres que la brasserie Trebjesa produit l’excellente Nikšićko. Encore quelques km de voie rapide (celle-là même qui redescend sur Podgorica), et j’aperçois enfin un panneau: “Ostrog”. C’est là que je t’emmène. Mais un peu de patience, car la route se rétrécit, multiplie les virages et devient parfois dangereusement étroite. Hé oui, ça grimpe, et pour ne rien arranger, il y a des minibus genre “navettes “et des cars de tourisme, car l’endroit est un spot touristique majeur du Monténégro! Faut savoir gérer un croisement et réagir vite (et un peu croiser les doigts, sans savoir si ça aide vraiment). Ah, il y en a sûrement plus d’un(e) qui a tremblé des guibolles au volant, par ici…
À mi-parcours de cette route, les “marchands du Temple” se sont installés: boutiques de souvenirs, restos racoleurs… Autant d’hameçons prêts à ferrer les poissons que sont les touristes! Mais continuons de grimper, au milieu d’un panorama qui se fait de plus en plus vaste. Je me gare sur un des parkings en contrebas et emprunte un sentier pentu alternant avec des volées de marches. Le but ultime approche… on y est: voici enfin le monastère orthodoxe d’Ostrog.
Dire que c’est beau? Non, c’est trop faible: c’est splendide et incroyable. Le monastère est en effet carrément incrusté dans la paroi rocheuse, son blanc immaculé contrastant avec son environnement minéral. Oui, choc visuel garanti, fais-moi confiance! Ce monastère date du 17ème siècle, et constitue un lieu de pélerinage pour les orthodoxes du pays. C’est un peu le “Lourdes” des orthodoxes. Néanmoins, les croyants de toutes confessions s’y croisent. La dépouille de son fondateur, l’archevêque Vasilije (Basile), décédé en 1671 et auteur de miracles et guérisons, y repose. On accède à son caveau par un minuscule et bas couloir taillé dans la roche (les grands devront se baisser), jusqu’à une salle toute aussi petite, gardée par un moine très solennel dans une demi-pénombre. Il est très investi, quasiment habité par sa mission, ce qui donne au tout une ambiance sépulcrale, voire lugubre…






Et même à l’extérieur, sur la grande esplanade, pas de touristes exaspérants qui parlent à 100 décibels (du moins lors de mon passage)… Non, le lieu est empreint de solennité, c’est presque des chuchotements, de temps en temps un moine passe et s’entretient avec des pélerins (peut-être même des pénitents, j’en ai vu qui grimpaient le sentier à pieds nus). La petite chapelle abrite de superbes fresques, mais tu remarqueras des traces noires sur les murs: ce sont des traces d’encens, déposées là au fil du temps. Maintenant, quand des cars de touristes déposent leurs hordes furieuses, il y a des chances que ça casse la sérénité de l’endroit.




Tu auras peut-être noté que le “signe de croix” orthodoxe se fait traditionnellement en utilisant les trois doigts de la main droite pour toucher le front, la poitrine, l’épaule droite puis la gauche, contrairement aux chrétiens qui font “épaule gauche – épaule droite”. Autrefois, le signe haut, bas, droite, gauche était un genre de geste “miroir” du prêtre qui bénit l’assemblée du haut vers le bas puis de la gauche vers la droite. L’assemblée effectuait donc son signe de croix de la droite vers la gauche. Après le schisme religieux de 1054, les chrétiens ont changé de sens, les orthodoxes ont gardé le geste d’origine. CQFD.
Le parc national du Lovćen et Njeguši.
Si tu n’as pas envie de refaire la petite route en sens inverse (bon, ça dépend où tu te rends ensuite), une autre route, toute récente et plus large, descend vers Danilovgrad et Podgorica. Les petites routes de montagne sont loin, je retrouve des voies rapides sans charme et découvre une autre particularité monténégrine: les travaux! Parfois mal signalés et manquant de logique, on peut se taper 1 km de caillasse poussiéreuse, avec des bus ou des camions qui essaient de passer l’un devant l’autre. Je savais pas que l’édition du Dakar 2022 passait par le Monténégro! Et quand on voit les nids-de-poule sur les petites routes secondaires…
Je passe outre Cetinje, ce sera pour plus tard. Je vais à présent découvrir une autre pépite naturelle du Monténégro: le parc national du Lovćen. Créé en 1952, il fait 6200 hectares et se trouve, en gros, entre les bouches de Kotor et Cetinje. C’est une région une nouvelle fois d’une grande beauté, alternant forêts et montagnes, quoique moins hautes et abruptes que dans les parcs de Prokletije et Durmitor.




À l’embranchement avec la route vers Kotor, une autre petite route (où on s’acquitte du droit d’entrée au parc de 2€) conduit à un monument qui fait partie intégrante du coeur de tout monténégrin: un mausolée. C’est même le plus haut du monde, perché à 1657 m d’altitude. C’est là-haut qu’est inhumé Petar Petrovic-Njegoš, prince-évêque du Monténégro, poète et philosophe du 19ème siècle. Il est vraiment vénéré comme un super-héros dans le pays, ayant unifié les différentes régions morcelées et en ayant mis un terme à la domination ottomane. Le mausolée fut commencé en 1951 et inauguré en 1974 (plus de 20 ans, quand-même!).



Après avoir payé l’acès au mausolée (3€), les molletsauront du boulot avec les 461 marches à l’intérieur d’un tunnel d’un blanc immaculé. Courage, la récompense n’est pas loin! Le panorama au sommet, par temps clair, peut dévoiler la Croatie et l’Albanie. Et voilà le mausolée. L’architecture en est assez sobre, mais l’entrée grandiloquente avec ces deux statues genre caryatides comme à l’acropole d’Athènes. À l’intérieur se trouve la sépulture de Petar Petrovic-Njegoš, en marbre blanc, ainsi que d’une statue de lui-même avec un aigle perché sur son épaule.







Je redescends la route du mausolée et prends la direction de Kotor. C’est à partir de là qu’on peut se délecter d’un des plus beaux points de vue existant au Monténégro, sur la mer et la baie de Kotor. Seulement voilà, cette partie du voyage, ce sera pour demain, alors ne m’en veux pas si je te demande encore un peu de patience. Je me suis même fait violence pour ne pas contempler cette merveille avant demain matin… Non, pour ce soir je pose mon sac dans le petit village de Njeguši, parfois délaissé au profit de la baie de Kotor, en contrebas. Njeguši… Njegoš… Oui, il y a un lien, c’est le village natal de Petar II Petrović Njegoš, dont je viens de visiter le mausolée!
L’autre bonne raison de s’y attarder est comestible: beaucoup d’habitants se consacrent à la production de fromage (ici, ça se dit sir) et de jambon fumé (pršut). Et ils les vendent depuis chez eux aux particuliers; ici ça peut être une petite pièce aménagée, à côté un garage… Il y a bien souvent un petit panneau qui annonce les produits proposés. Mais ce qui est bien, c’est que ce n’est pas racoleur, ils ne viennent pas t’alpaguer avec des “hello”, “guten tag”… Parfois même tu te verras offir un petit verre de rakija, la “potion magique” des Balkans!






Il y a quelques petits restos sympas pour goûter aux spécialités locales; une assiette mixte fromage-charcuterie peut largement suffire. Qui plus est, Niko, l’hôte airbnb chez qui je passe la nuit est lui-même producteur. Le lendemain matin, en demandant gentiment, j’ai eu droit à une petite visite des lieux (avec une petite dégustation improvisée, en compagnie d’un chauffeur de camion serbe qui venait prendre livraison)!
Konoba kod Radonjica – au début du village, en venant du parc de Lovćen.




Les bouches de Kotor.
Ce matin, chose promise chose dûe, je reviens un instant sur mes pas d’hier pour atteindre ce point de vue canonissime qui plonge vers les bouches de Kotor et la mer à l’horizon. Les bouches de Kotor, c’est en fait une vaste baie, composée de 4 golfes. De tout là-haut, on pourrait se croire téléporté en Norvège, toutefois l’endroit n’a rien à voir avec un fjord, car aucun glacier n’y a joué de rôle. C’est ce superbe coin du Monténégro qu’on va explorer aujourd’hui.


Alors, comment on va faire pour descendre jusque là? Par la route P1, qui relie Kotor à Cetinje, dont une partie, qui ne fait pourtant qu’une quinzaine de km, est un mythe pour tout conducteur. C’est la route “Serpentine”, avec ses 25 virages parfois très serrés, et une déclivité à faire dresser les cheveux sur la tête. La plupart des automobilistes la grimpent, moi je fais le contraire. Les croisements entre véhicules? C’est pas triste. Il y a de sacrés rétrécissements de voie, avec d’un côté des blocs de béton, et de l’autre des rochers. En descente, avec de la chance on peut anticiper; je l’avais vu à l’avance ce petit camion de chantier qui monte et je me suis rangé. Le touriste autrichien derrière moi m’a dépassé énergiquement, sans voir le camion… il a dû reculer sur 30 mètres. Ben oui, mein freund…


Tout va bien, j’attaque mes derniers virages, quand soudain je vois un panneau: “Goražda”. Sur un coup de tête, j’emprunte cette toute petite route, sans savoir à quoi m’attendre. Hé bien, ça m’a l’air intéressant: Goražda, c’est le nom d’une ancienne forteresse de l’époque austro-hongroise; elle a servi une dernière fois durant la Guerre 14-18, avant d’être abandonnée et ouverte à tous vents. On peut y accéder librement, en faisant attention quand-même où on met le pied. Sous le porche d’entrée et l’accès principal, des bouses de vache. Tiens… C’est en ressortant que je tomberai sur celle qui en est à l’origine, accompagnée d’un petit âne. Drôle de couple! En tout cas ils ont une bien belle résidence secondaire…







Direction maintenant Herceg Novi. Attention, si tu contournes toutes les bouches, en passant par Perast, tu en as pour 45 km de route. Tu ne diras pas non si je te propose de réduire la distance quasi de moitié! En passant par Tivat, tu atteindras le petit village de Lepetane; une des bandes au sol indique “ferry”. Oui en effet, on va couper par la voie maritime, en prenant un ferry qui relie Lepetane à Kamenari, dans la partie la plus étroite des bouches! Le trajet dure 10 minutes pour 4,50€ avec une voiture. J’aime toujours bien ce mode de transport, ça permet ainsi de voir les bouches d’un autre angle.





À partir de Kamenari, je ne suis plus qu’à 13 km de Herceg Novi. On ne peut pas dire que la portion de route entre les deux soit la plus enchanteresse des bouches; magasins, stations-service, immeubles affligeants de banalité… La périphérie de Herceg Novi est un peu foutraque, à l’image de ces travaux sur un grand rond-point dont la logique m’échappe… Bref, je dégote une petit place gratuite pour ma chariotte, et on y va pour la découverte de Herceg Novi!
Avec Kotor et Perast qui lui volent un peu la vedette, Herceg Novi est moins courue, touristique certes mais pas à outrance: pas de défilé d’autocars ni de bateaux de croisière démesurés. Tant mieux! Elle est plus proche de Dubrovnik (50 km) que de la capitale Podgorica (112 km). Il ne faut pas s’arrêter à la première impression que donne sa périphérie, avec son trafic et ses bâtiments pas toujours très attirants. Viens, on va descendre vers le front de mer. Car ça monte et ça descend à Herceg Novi, c’est une ville très étagée. Cette promenade piétonne est super agréable, au plus près des vagues, avec quelques petits commerces et quelques bars et restos où on n’essaie pas d’attraper les clients au lasso.






Une fois arrivé au niveau des forteresses Citadela et Forte Mare (cette dernière est super impressionnante, presque les pieds dans l’eau!), le meilleur moyen de rallier la vieille ville est de se perdre au gré de ce lacis d’escaliers et de venelles, vraiment submergées par une végétation aussi bariolée qu’odorante (dans le bon sens du terme): magnolias, cactus, eucalyptus, grenadiers ou encore bougainvilliers débordent des grilles, et les petits jardins offrent un festival de fleurs dont les senteurs te font fermer les yeux de plaisir!






En montant vers la vieille ville, on croisera quelques édifices religieux, comme l’église Saint-Léopold et l’église Saint-Jérôme. Le panorama sur la baie est géniale vue d’ici! Encore quelques volées de marches à grimper et on sera bientôt au coeur de la vieille ville…






Et voici enfin l’épicentre de cette vieille ville de Herceg Novi; enfin je dirais qu’il y en a deux, l’un près de l’autre. La Place Herceg Stjepana d’abord, très vivante avec ses palmiers, sa fontaine et ses terrasses, est mignonne comme pas deux, sublimée par sa petite église de style byzantin. Il suffit alors d’emprunter quelques marches et passer sous un porche pour avoir droit à une deuxième dose de ravissement en pénétrant sur la Place Nikole Durkovica, qui a des airs de petite place italienne. C’est là que se trouve la Tour de l’Horloge (Sahat Kula). Un peu plus haut, se dresse l’inquiétante Kanli Kula (la “tour sanglante”, ça dit tout!), qui servait de fort de défense et de prison pour les opposants aux ottomans. On peut y voir des dessins et messages d’anciens prisonniers. On était aux antipodes du Club Med, c’est clair…










Elle m’a bien plu, cette petite Herceg Novi, avec ces petits coins de paradis fleuris dans ce dédale d’escaliers avant d’arpenter les deux places de la vieille ville, animées et touristiques, mais pas saturées et invivables pour autant! Tu aimes bien les monastères monténégrins? Attends, j’ai quelque chose pour toi à même pas 1 km: le monastère de Savina, de confession orthodoxe serbe, qui se compose de deux églises, d’un cloître et d’une petite chapelle. C’est ici que notre vieux copain Petar II Petrović-Njegoš reçut, dans sa jeunesse, sa première éducation.



Je peux maintenant quitter Herceg Novi et entamer le “grand tour” des bouches, dont je t’ai parlé plus haut, en passant par Risan et Perast. Mais avant, un petit arrêt à Bijela, à quelques km avant le ferry, qui n’a rien d’extraordinaire. Non, en fait c’est juste pour manger un bout, j’ai la dalle. Un genre de petit fast food qui ne paie pas de mine, c’est OK; je retrouve avec plaisir ces petites saucisses ćevapi, et j’essaie une bière serbe, la Jelen.

La route est d’une beauté pas possible, c’est un régal que de longer les bouches au plus près, sans être étouffé par un trafic intense; mais aux abords de Kotor, faut pas rêver, c’est une autre histoire! En attendant, je travers des petits villages tranquilles comme Lipci ou Strp (oh, les localités à “consonnes” comme en Croatie, tu te souviens?). J’ai parfois l’impression d’être sur les rives d’un grand lac de l’Italie du nord.




Un petit arrêt à Risan, un petit village pas vilain du tout avec ses ruelles en calade et ses ruelles à porche. Une petite visite à faire: une grande mosaïque polychrome de l’époque romaine; intéressant, sans être exceptionnel…





6 km séparent seulement Risan de Perast. Si une seule carte postale pouvait symboliser les bouches de Kotor (excepté sa vue panoramique), ce pourrait être ce gros village au bord de l’eau, avec son fameux campanile aisément reconnaissable! Celui-ci, du haut de ses 55 m, tient compagnie à l’église Saint-Nicolas. Aves ses ruelles et ses quelques anciens palais, il ne faut être agrégé en histoire pour saisir l’influence vénitienne qu’a connu Perast entre les 15ème et 18ème siècles, avant que les Austro-Hongrois ne la fassent décliner (sympa, les gars!). Et la balade au bord de l’eau est super agréable, avec une vue sur les bouches à se damner! Ah oui, et les deux îlots au loin, me demanderas-tu? Celle avec son église et sa petite chapelle, c’est Notre-Dame-des-Rochers, une île artificielle à l’histoire pas banale. On peut la rallier avec des petits bateaux-navettes, mais quand j’ai vu les rabatteurs saoûlants à Perast en quête de pigeons clients, je me suis dit “non merçi”. L’autre, avec le monastère et les cyprès, c’est l’île Saint-Georges, qui abrite aussi un ancien cimetière. Elle ne se visite pas.








Seulement, n’espère pas t’y retrouver seul(e)! On n’est pas encore dans le tourisme “frénétique” comme à Kotor, mais les cars de tourisme et les parkings payants constituent une piqûre de rappel comme quoi ce coin des bouches est moins paisible que sur les rives opposées! Et attends: maintenant, je t’emmène à Kotor!





Circulation plus dense, parkings XXL (payants…), et ça peut arriver qu’un méga bateau de croisière vienne faire de l’ombre (au sens propre) aux murailles de la ville. Me voici arrivé à Kotor! Mais que ce premier ressenti ne te refroidisse surtout pas: tu sais qu’avec moi on sort très souvent des sentiers battus. Premier cadeau: on peut dégoter des places gratuites (hasardeux mais pas impossible) au sud de la vieille ville; merçi à mon hôtesse airbnb pour le tuyau!

Voici donc Kotor, le spot touristique majeur des bouches du même nom. Avant de pénétrer dans la vieille ville, il faut déjà se faire une première idée en admirant ces remparts, qui font parfois 20 m d’épaisseur, et courent sur 4,5 km (soit 2 fois plus que Dubrovnik)! Il y a 3 portes d’entrée dans les murailles, dont la principale, la Sea Gate, en face du port, est gardée par deux canons. Je ne sais pas si ils tirent sur les touristes-paquebot… quant à la vue sur les bouches, elle est à se décrocher la mâchoire, à condition que justement un gros bateau ne vienne pas tout foutre en l’air…





Je vois que tu trépignes de pénétrer dans l’enceinte; OK on y va! D’emblée, on se retrouve sur la Place d’armes, aves ses vieilles maisons (toujours l’influence vénitienne) et sa Tour de l’Horloge. Et ma chambre airbnb est à deux pas de ce décor de film de cape et d’épée, je suis verni, hein? Les petites ruelles partent dans tous les sens, certaines n’ont même pas de nom. Ces vieilles pierres, ces volets verts, ces petites boutiques qui au moins ne débordent pas trop à l’extérieur… un mix de vilage italien et de cité croate, style Trogir ou Šibenik. Quand on pense que Kotor a été en grande partie détruiçte par un tremblement de terre en 1979, et rebâtie dans le style qu’on admire de nos jours… Chapeau! Cependant, c’est touristique, tu n’y couperas pas, à moins de choisir le bon moment, tôt le matin ou en soirée, quand le gros de la troupe a déserté les lieux.
Au gré de ta balade intra muros, des placettes, des anciens palais, des petites églises, et surtout la magnifique cathédrale Saint-Tryphon (le prénom de Tournesol dans les albums de Tintin, tu te souviens?), du 17ème siècle, avec ses deux tours reliées par un portail formant un porche. Pour ne pas te déshydrater, sache qu’il y a souvent une fontaine ou un robinet d’eau potable à l’un ou l’autre coin de rue.









Kotor, c’est aussi la “ville des chats” (je sens que ça va intéresser une blogueuse particulière que je salue). Le long des murs, sur un rebord de fenêtre, ils font leur sieste ou vaquent à leurs occupations félines… Certains sont farouches, d’autres plus enclins à faire connaissance. L’un d’entre eux, par exemple, s’est alangui sur mes genoux, avide de caresses, sur un banc d’un petit square où je m’étais posé un instant… avant de me lâcher pour aller jouer avec une petite gamine à proximité. Ben çà alors… oh et puis, il fait sa vie comme il veut, non? Les chats sont tellement indissociables de Kotor que certaines boutiques vendent articles à leur effigie, (peluches, porte-clés…). Il existe même un musée qui leur est dédié. La gloire, quoi!


