Voyage en Grèce – 3ème partie: de Parga à Athènes – 2022.

C’est vrai que, quand tu regardes sur la carte de l’Europe, la Grèce n’est pas si immense que çà. Mais tu as vu clairement que cette taille est inversément proportionnelle au lot de belles surprises qu’elle offre au visiteur qui sort un peu des sentiers battus! Alors voilà, le spectacle continue, en passant d’une île à des villages de montagne et des monastères perchés, en passant de la deuxième ville grecque à une montagne sacro-sainte… Y a qu’en grèce qu’on peut voir çà, je pense.

Igoumenitsa – l’arrivée sur l’île de Corfou.

Donc, on s’était quittés, à la fin de la deuxième partie du voyage, à Parga, une jolie petite ville côtière mais un peu trop touristique à mon goût. Je la quitte sans trop de nostalgie pour partir, à 45 km au nord, vers une ville portuaire qui n’a rien de folichon mais qui est une pierre angulaire pour les liaisons en ferry entre la Grèce et l’Italie: Igoumenitsa (Ηγουμενίτσα). Mais moi je ne vais pas en Italie. À l’ouest des côtes continentales s’étend un groupe d’îles: les îles ioniennes, dont les noms sont assez connus, comme Cythère, Ithaque, Leucade, Zante, Céphalonie, Paxos… Et last but not least, celle où je t’emmène pour deux jours: Corfou!

J’arrive au port d’Igoumenitsa, très étendu mais au fléchage bien pratique pour repérer les quais selon les destinations. Je n’ai pas réservé de billet, c’est pas nécessaire, en arrivant sufisamment à l’avance tu as tout le temps de l’acheter “en direct” aux guichets. Deux compagnies se partagent le boulot pour Corfou: Kerkyra Lines et Kerkyra Seaways. C’est avec la seconde que je vais voyager, et je m’en voudrais de ne pas te faire part de ce bon plan: en achetant le billet aller-retour, hé bien le retour est à demi-tarif! Cool, non? Mes billets en poche, je me dirige ver mon quai, et le ferry ne tarde pas à montrer le bout de sa proue (ben oui, t’as déjà vu un bateau avec un nez?). Agia Eirini, joli nom. Laissons-le s’amarrer, mais de toute façon ce sont les camions qui vont embarquer les premiers…

Port de Igoumenitsa.
Ferry de Kerkyra Seaways.

L’embarquement commence. Mais c’est bizarre çà, pourquoi diable les camions entrent-ils en marche arrière? tiens, je sors pour examiner le bateau. Ah, OK j’y suis! Au contraire de la majorité des car-ferries, qui ont un point d’accès pour les véhicules à chaque extrémité, lui ne dispose que d’une plateforme d’embarquement. C’est pour çà qu’on devra embarquer en reculant, pour être dans le bon sens en débarquant! Mais pas de panique, tu n’auras presque rien à faire. Il y a à bord des préposés au “parcage” des véhicules; à partir du moment où il est face à toi, tu ne le quittes plus des yeux, car c’est lui qui va remplacer tes yeux. Et en suivant ses directives, sans un seul coup d’oeil à tes rétros, te voilà garé(e) dans un mouchoir de poche… que dis-je, dans un timbre-poste! Et je suis à genoux devant la virtuosité des chauffeurs de camions, qui laissent à peine 10 cm (je te jure!) entre leur rétro et les rambarde latérales du ferry!

Ma petite ford Fiesta, c’est la 1ère à gauche, sous la rampe d’escalier. 😉

La traversée durera deux heures. On croise d’autres ferries qui reviennent de Corfou, d’autres partis aussi de Igoumenitsa bifurquent vers l’île de Paxos. Bientôt les contours de l’île de Corfou se dessinent au loin. c’est une des plus grandes îles grecques (elle est en 7ème position). Son ancien nom grec est Kerkyra, ce qui explique le nom des compagnies de ferries! Inutile de te dire qu’elle est synonyme de tourisme de masse et de plages vite saturées… mais pas partout! Alors oui, les gros bateaux de croisière pourront certes te refroidir, mais les quelques chemins de traverse où je te conduirai te feront sentir à 1000 années-lumière de toute cette agitation. En attendant, je vais rejoindre ma titine, on va bientôt accoster, là. J’ai déjà eu un avant-goût de la vieille ville de Corfou et sa citadelle, que le ferry vient de longer!

Arrivée sur l’île de Corfou.

La sortie du ferry se fait sans encombre, mais ensuite… C’est quoi, cette circulation de malade? Des bouchons, de la double file… manque plus que des autos-tamponneuses, quoi. Je réussis tant bien que mal à dégoter une petite aire de parking payant (tiens, ça faisait longtemps), tout en n’étant pas trop loin de la vieille ville de Corfou. C’est par là que je vais débuter ma visite de l’île.

C’est justement la “capitale” de l’île, et dès qu’on y pénètre, on n’a plus trop l’impression d’être encore en Grèce, tant cette sempiternelle influence vénitienne transpire sur les murs de ces hautes maisons à volets verts ou blancs. Ce quadrillage de ruelles étroites (et très fraîches, c’est délicieux car le soleil cogne aujourd’hui!), avec ici et là des placettes et des églises à campanile me font repenser à Gênes, en Ligurie. L”église Saint-Spyridon, avec son dôme rouge, en est l’édifice religieux majeur. Alors, le fait que la vieille ville soit inscrite au patrimoine de l’Unesco depuis 2007 n’a rien de surprenant! Revers de la médaille: le sur-tourisme étouffant, les boutiques de souvenirs et autres conneries, les groupes qui viennent une journée en autocar… Les petites ruelles ont parfois du mal à canaliser tout ce petit monde.

Vieille ville de Corfou.
Vieille ville de Corfou.

Quelques rues portent des noms à consonnance anglaise. Ah bon? Oui, la domination britannique est aussi passée par là. Par exemple, le Palais Saint-Michel et Saint-Georges, de style géorgien, était l’ancienne résidence des gouverneurs britanniques. Il abrite le musée d’Art asiatique. En face, la vieille forteresse a été bâtie par les vénitiens; ils ont remplacé les anciens remparts byzantins, et construit ce large “fossé” qui sépare le promontoire du reste de la ville de Corfou. Dommage que l’esplanade entre les deux soit la proie des voitures et des cars de tourisme, envahisseurs des temps modernes.

Palais Saint-Michel et Saint-Georges.
Corfou: vieille forteresse.

Les restos à terrasses racoleuses n’étant pas mon truc, j’ai dégoté une petite adresse sympa pour s’envoyer souvlakis, salade grecque, ou saucisse corfiote (succulente spécialité) sans se ruiner, accompagné d’une très bonne Corfu beer (une bière brassée sur l’île, c’est pas mal, çà!).

Pane e souvlaki – odos Gkilford, 77.

Délicieuse salade grecque.
Tout aussi délicieuse bière de Corfou!

Je vais maintenant aller me balader un peu dans la partie sud de l’île. Je n’aurai que quelques km à parcourir pour rejoindre, près de Kanoni, une des “cartes postales” de Corfou: le monastère de Vlachernes, datant du 17ème siècle. Son emplacement n’est pas banal: posé sur un petit îlot, il est relié à l’île par une petite digue en pierre. Il n’est plus habité depuis 1980. Tant mieux, parce que question sérénité, on repassera! L’aéroport de l”île est quasiment à côté, et on assiste à un défilé d’avions atterrissant à intervalles régulières. 3 avions sur 4 sont des low-cost (je cite pas les compagnies), déversant leurs passagers qui ont très certainement applaudi quand l’appareil a touché la piste…

Corfou: monastère de Vlachernes.

Je passe à proximité du célèbre palais néoclassique appelé l’Achilleion; c’était la résidence d’été de l’impératrice Sissi, de 1890 à 1898. Sa santé était déjà précaire à cette époque, les voyages en Italie et en Grèce lui permettaient de se rebooster un peu, et par la même occasion de s’éloigner de Vienne et ses protocoles rigoureux, qui commençaient sérieusement à lui taper sur les nerfs. Je n’ai pas visité, l’édifice étant en travaux et recouvert d’un échafaudage (non, le Parthénon, t’es pas tout seul!). Une photo d’illustration quand-même, pour se faire une idée de la bâtisse. Son nom vient de l’adoration que Sissi vouait à Achille, le héros légendaire de la Guerre de Troie. En 1981, un film de la saga James Bond, y fut tourné: Rien que pour vos yeux, avec Roger Moore en 007.

Corfou: l’Achilleion.

Je vais par après parcourir au hasard le sud de l’île, traversant des petits villages où la tranquillité contraste de façon frappante avec la cacophonie touristique de la vieille ville. Comme Petriti (Πετρίτη), un petit port “mixte”, aussi bien de pêche que de plaisance, au bout d’une route parfois très étroite, Perivoli (Περιβόλι), un peu plus à l’intérieur des terres, avec ses vieilles maisons, dont certaines, un peu délabrées, mériteraient bien un petit lifting; ou encore Lefkimi (Λευκίμμη), traversé par une petite rivière sympa qui se donne des airs de canal…

Corfou: Petriti.
Corfou: Perivoli.
Corfou: Lefkimi.

Je repars maintenant vers le nord, je vais rallier mon lieu de villégiature pour deux nuits. Je me rapproche de la vieille ville, avec ses bouchons, ses feux de circulation, bref son bordel, mais je continue ma route. Tu t’imaginais pas que j’allais dormir dans cette fourmillère, quand-même? Non, car la route qui m’intéresse, c’est une petite route de montagne à 15 km après la capitale, tout en lacets serrés et qui grimpe, grimpe pour me conduire sur les parties les plus hautes de l’île, là où se trouve le vrai Corfou, rural et authentique. Je traverse le petit village de Spartilas (Σπαρτυλας), où les croisements entre véhicules sont une épreuve en soi. Mais c’est le village suivant qui constitue ma cible: il s’appelle Strinilas (Στρινυλας) et ne compte qu’une quarantaine d’habitants. Une poignée de vieilles et solides maisons de pierre, une place centrale avec un orme certainement multiséculaire et une taverne. Pas d’hôtel ici, je suis en airbnb dans une petite maison sur les hauteurs du village!

Corfou: Strinilas.

La taverne du village, c’est la Taverna Oasis. Je pense que ce sera un de mes meilleurs souvenirs de Grèce concernant la bouffe. Le patron était super, et le lendemain j’étais déjà pote avec le petit groupe d’habitués. Des connexions de ce genre n’auraient pas lieu d’être, je pense, dans un resto touristique de Corfou-ville! surtout qu’aucun car de touristes ne déversera sa cargaison de “shorts-casquettes” par ici, ce sont des coins très peu fréquentés, ceux-là même que j’aime dénicher quand je voyage. Et j’ai mangé quoi, comme çà? Une salade d’aubergines et une spécialité corfiote, le sofrito, à base de viande de veau et de sauce à l’ail, avec une bière de Corfou, bien sûr.

Sofrito de Corfou.

J’aime cette atmosphère où tout le monde se connaît, où le patron sirote son petit ouzo avec ses copains, où une voisine vient dire bonjour accompagnée d’un cheval! L’équidé a l’air un peu stressé, d’autant plus qu’un gars, après avoir discuté avec la femme, se met à faire vrombir le moteur de sa mobylette, ce qui ne met pas l’animal à l’aise, on s’en doute. Mais à quoi il joue, là? C’est pas de bon goût. Heureusement, j’aurai le fin mot de l’histoire par le patron: la bête a été effrayée exprès il y a quelques jours par des petits cons de touristes en quad (y en a vraiment qui ont le Q.I. d’une huître), et ce à quoi j’assiste, c’est un genre de traitement de choc pour tenter de l’y habituer. Je peux rien dire, je suis pas psy pour chevaux…

Je vais me faire une petite balade digestive dans les environs, je pousse, à travers un paysage serein et boisé parsemé de quelques vignes, jusqu’au village d’après, à 2 km: Petalia (Πετάλεια), où là aussi il y a une petite taverne et quelques maisons en bord de route. Tout en bas, au loin, la mer scintille, on devine Corfou-ville, mais l’agitation touristique qui y règne ne risque pas d’atteindre l’endroit où je suis.

Corfou: environs de Strinilas.
Corfou: Petalia.

L’île de Corfou: la suite de la visite.

Je vais consacrer cette journée à l’exploration du nord et de l’ouest de l’île. Je redescends la route par laquelle je suis venu hier, en remerçiant le ciel de ne pas avoir croisé ce camion-poubelle en plein village de Spartilas, il s’en est fallu de peu! Je rencontre un groupe de quads, qui prends pas mal de place. La location de ces engins marche très bien sur Corfou; il y a de tout comme clientèle, mais tu rencontreras deux groupes à risque: les jeunes qui font n’importe quoi, voire des “wheelings” ou des deux-roues sur le côté (ça m’étonnerait pas qu’ils soient un peu alcoolisés), et les bimbos idiotes qui font du 2 km/h et pilent à chaque virage. Enfin bon…

Bref, je m’improvise un petit-déj’ la terrasse d’un petit bar, ensuite je fais mon prmeier stop au petit port de pêche de Kouloura (κουλούρα), vraiment à croquer et entouré de pins. La suite sera-t-elle du même acabit? On va très vite le savoir.

Corfou: Kouloura.

Hé ben justement, voilà que j’arrive à Sidari (Σιδάρι), que l’on décrit comme un coin superbe et romantique. Si tu gobes tout ce qu’on raconte, tu vas prendre une belle douche froide, crois-moi. Sidari, c’est un autel géant dédié au dieu tourisme de masse, avec des hôtels même pas beaux, des boutiques de souvenirs insipides, des restos racoleurs aux menus polyglottes… Sacrée verrue que tu as là, ma belle Corfou!

La faune touristique est au diapason, avec leurs serviettes et les jouets gonflables pour leurs mômes criards. L’attraction de Sidari, c’est le fameux Canal d’Amour, excentré par rapport à la ville. C’est un petit bras de mer cerné par des falaises poreuses, où se love une petite plage. Ça pourrait être beau si les hôtels et les restos, une fois de plus, ne s’accapareraient pas l’espace. Et pour la petite histoire, le nom vient du fait que si des amoureux s’y baignent ensemble, ils seraient destinés à vivre ensemble ou se marier. On s’amuse comme on peut, hein? C’est comme mettre des cadenas sur les ponts et balancer la clé à la flotte…

Heureusement que, pour relever le niveau, quelques petits villages sympas et paisibles se cachent entre les pins et les oliviers! Quelques vieux qui regardent une TV dans un bar, un tracteur garé moteur tournant devant la supérette… çà c’est le petit village de Aviliotès (Αυλιώτες). À quelques km à peine, Pérouladès (Περουλάδες) est du même style, avec sa petite église et ses vieilles maisons, certaines un peu décrépites d’ailleurs. Ces petits bourgs sont encore épargnés par les barbares des temps modernes armés de leur APN reflex qui pend sur leur poitrine.

Mais tout près de Peroulades, c’est dommage mais Corfou retombe dans ses petits travers: le Cap Drastis est un endroit magique, c’est indéniable quand on contemple ces falaises blanches, érodées au point d’en faire des sculptures géantes improbables; on dirait une gigantesque pâtisserie qui se serait désagrégé sous les attaques de la mer… Mais l’endroit est pourri par un parking anarchique style “je me mets où je veux et je t’emmerde”, tu vois le tableau? Un demi-tour en voiture est une expérience en soi. Un sentier sablonneux descend vers le mer, avec son petit lot de gens pas très “fute-fute”; le père de famille qui remonte avec une poussette dans le sable, plié par l’effort… Renseigne-toi, Bébert, y a peut-être des modèles autotractés!

Corfou: Aviliotès.
Corfou: Perouladès.
Corfou: Cap Drastis.
Corfou: Cap Drastis.

Mais Corfou a toujours cette capacité de “rebondir” et d’offrir l’un ou l’autre endroit insolite au visiteur curieux. Je reviens en sens inverse jusque Sidari que je dépasse, et bifurque à droite pour partir à nouveau à l’assaut d’une route de montagne à l’intérieur des terres. Alors, te souviens-tu de Vathia, ce village en partie abandonné dans le Magne? C’est plus ou moins son alter ego corfiote que je t’emmène découvrir. L’endroit se nomme Peritheia (Περίθεια), plus souvent dénommée Palea Peritheia (le “vieux” Peritheia). Oh, tu ne le verras pas surgir de loin comme Vathia, il est bien planqué dans les montagnes! Il fut définitivement abandonné par ses habitants dans les années 1960 lorsque les dernières familles se sont installées au bord de la mer. Mais un patient travail de restauration a débuté dans les années 2010.

L’endroit n’est pas saturé de touristes, bon il y en a quand-même mais pas trop, c’est supportable. C’est assez particulier d’errer entre ces maisons vénitiennes en ruines, envahies par les herbes; on est tenté de crier “y a quelqu’un?” comme dans les films, et que seul l’écho répondra. Et cette vieille camionnette, je pense, “marchera beaucoup moins bien forcément” comme disait Bourvil dans “Le Corniaud”…

Corfou: Palea Peritheia.
Corfou: Palea Peritheia.

Mais quelques maisons ont été progressivement retapées, et des pancartes “à vendre” sont déjà apposées. On trouve aussi deux ou trois petites tavernes conviviales pour se restaurer à l’ombre de feuilles de vignes rampantes en guise de tonnelle. De la feta grillées, du porc rôti, çà me fera un repas sympa. Et un breuvage emblématique qui mérite une petite explication:

Oui, tu vas forcément le croiser, ce fameux retsina (ou vin résiné)! C’est un vin blanc auquel on a rajouté de la résine de pin durant sa fermentation; La résine stabilise le vin, lui permettant de mieux résister à la chaleur. Celà lui donne des arômes et des saveurs spécifiques qui chamboulent toujours le nez et les papilles la première fois! On lui trouverait même un arrière-goût de térébenthine! J’avoue que c’est particulier, mais pas mauvais du tout.

Je me dirige maintenant vers la côte ouest de l’île, direction Paleokastritsa (Παλαιοκαστρίτσα), une des stations balnéaires les plus connues de Corfou, donc bien sûr la fréquentation touristique s’en ressent. Dire le contraire serait mentir: l’endroit est super beau avec la mer turquoise, ses plages, ses falaises et sa petite crique. À condition de les avoir pour soi tout seul, ce qu’ici est une mission impossible! Côté face, c’est ue série de grands parkings pour voitures et autocars, et un festival de parasols, de serviettes et de corps allongés sur la plage. Au vu de certains corps bien rouges, y en a qui ont certainement sous-estimé l’indice SPF de leur lotion solaire…

Corfou: Paleokastritsa.
Corfou: Paleokastritsa.

En surplomb de la station balnéaire, par une petite route en lacets, le monastère de la Panaghia est charmant, tout blanc avec ses coupoles rouges. Petites fontaines, jardins, petites cours fleuries de bégonias… et une super vue sur la baie! Mais ici aussi, les touristes, la plupart étrangers orthodoxes, cassent la sérénité des lieux et se monteraient sur la tête l’un de l’autre. Qu’est-ce que çà doit être en plein mois d’août!

Avant de retourner à Strinilas pour la soirée, j’aimerais découvrir une autre spécialité de Corfou, en faisant un arrêt à la distillerie Mavrommatis. Mais une distillerie de quoi, m’entends-je demander? Corfou s’est spécialisé dans la production de liqueur de kumquat (prononcer koum-kouat), ce fruit ressemblant à une petite orange et poussant en abondance ici. Originaire d’Asie, il a été introduit sur l’île par un agronome anglais en 1860. D’autres produits dérivés existent: du kumquat confit, des cookies, du nougat…

Liqueur de kumquat.

Je rejoins Strinilas, que je dépasse, non pas par étourderie, mais pour aller encore plus haut, vers le point culminant de l’île, à 5 km tout au plus. J’arrive au sommet du Mont Pantokrator, à 906 m d’altitude. La vue sur l’île est fantastique, mais l’endroit ne manque pas d’étonner. Un petit monastère (détruit au 16ème siècle et rebâti au siècle d’après) côtoie un centre de télécommunications, hérissé d’antennes! Le comble est atteint quand on voit ce haut pylône (pour être inratable, il l’est!) en plein dans la cour intérieure du monastère! On croit toujours qu’on a tout vu, mais en fait non… En même temps, sous certains angles on ne voit pas les antennes, et au final, si elles n’étaient pas là, pas de TV ni de réseau telecom pour les corfiotes! Enfin ça fait très bizarre, c’est un peu déstabilisant.

Le Mont Pantokrator avec sa “coupe à la brosse”!
Le monastère du Mont Pantokrator.

Retour à Strinilas pour le repas du soir à la même taverne: une grande assiette “mix” de viandes grillées, çà ce sera très bien. Mais j’ai commis un grave oubli: je ne t’ai pas parlé du tsipouro chaud du patron! Oui j’ai bien dit “chaud”! Hier soir, je me vois offrir un tout petit verre, versé à partir d’un petit poêlon en cuivre; puis un deuxième et un troisième. Tout celà offert, vu qu’il trinque avec le même breuvage avec ses potes. Rebelote aujourd’hui avec cette petite merveille, en trinquant avec eux cette fois. La recette est simple (apparemment le patron ne la confie pas à tout le monde): tsipouro, cannelle, miel, écorces d’orange, et on fait chauffer le tout. L’hospitalité grecque à l’état pur, c’est çà.

Çà c’est du copieux!

Il y a un petit fan-club qui s’est formé autour de moi: les chats de Strinilas se sont sans doute passé le mot pour les viandes grillées! Allez, à la rigueur, un ou deux petits bouts; mais je détecte des miaulements rageurs et quelques coups de patte. Les gars, on va pas s’entendre de cette façon! Sur ma gauche, le chien de la maison, un petit loulou, est sage comme pas deux. Prenez peut-être exemple, le gang des félidés corfiotes!

Le clan félin…
…et le clan canin (ouais bon il est tout seul, aussi).

BILAN: Bon, c’est mitigé, je l’avoue. Corfou possède des beaux coins, OK, mais quelques-uns sont devenus la proie du tourisme de masse et tous ses excès. La vieille ville est inscrite à l’Unesco, grand bien lui fasse, mais elle est peut-être devenue trop “clinquante”, trop aseptisée à l’intention des hordes de touristes qui y débarquent. Je pense qu’il y a aussi un problème de gestion des déchets, j’ai vu quelques petites décharges sauvages. Mais tout n’est pas noir: plein de petits villages tranquilles, Palea Peritheia qui renaît de ses cendres, et surtout pour ma part Strinilas et ses habitant en or… Il faut savoir sortir des sentiers battus et ne pas suivre les autocars!

Ioannina et les villages des Zagoria.

Le ferry qui me reconduit à Igoumenitsa part à 08H15, je démarre tôt de Strinilas encore assoupie. Il y a encore très peu de circulation à cette heure, et j’arrive au port sans encombre. Le temps de valider mon billet retour au guichet, et je peux embarquer sur le bateau, encore en marche arrière vu que c’et le même qu’à l’aller! Heureusement, il est moins rempli à cette heure matinale; j’imagine que ce sera autre chose dans l’autre sens!

Je suis toujours dans la région de l’Epire, et je rejoins, 80 km à l’est, sa capitale: Ioannina (Ιωάννινα), qui s’étend le long d’un grand lac. Au premier abord, on voit d’abord une ville assez moderne, commerçante et même universitaire. Mais c’est à l’intérieur des remparts de sa vieille ville que ça devient plus intéressant. Cette enceinte fortifiée, appelée le “kastro”, est toujours habitée, les petites rues pavées sont encore très vivantes et côtoient une citadelle du 13ème siècle. L’influence ottomane est clairement passée par là, en témoignent la mosquée Fethiyé près de la citadelle, et le haut minaret de la mosquée Aslan Pacha. L’endroit est très paisible et curieusement pas tant fréquenté. À l’extérieur, le contraste entre les arcades et cet amoncellement de boulets de canons est plutôt insolite. Quant à la promenade le long du lac, elle est rès agréable à faire; cepandant je n’ai pas eu l’occasion d’aller faire un tour sur la petite île de Nissi, qu’on peut atteindre en bateau en 5 minutes.

Ioannina: le lac.
Ioannina: l’entrée du Kastro.
Ioannina: mosquée Fethiyé.

Difficile de parler de Ioannina sans évoquer Ali Pacha, d’origine albanaise, gouverneur de l’Epire pour le compte de l’empire ottoman. Il tenta de “voler de ses propres ailes” en rendant l’Epire indépendante et en concluant des alliances avec les grecs qui fomentaient une insurrection contre les ottomans. Sa fin ne fut pas drôle du tout: le sultan otoman lui fit croire qu’en échange de sa reddition, il serait pardonné. Il tomba dans le panneau et fut executé…

Je reprends ma route vers le nord, vers une région au coeur de l’Epire qui va encore me révéler une autre facette inattendue de la Grèce. Les Zagoria, c’est une région montagneuse où sont éparpillés quelques dizaines de petits villages de montagne, autant de petites perles où les petites maisons sont bâties en pierre et les herbes poussent au milieu des ruelles. Cette région dans son ensemble n’est pas encore gangrenée par le tourisme de masse, et certains petits villages sont d’une tranquillité incroyable. D’autres on été à deux doigts d’être abandonnés, mais le retour au pays de nombreux natifs suscita un regain de vie. Pendant la période ottomane, ces villages purent profiter d’un statut d’autonomie et de privilèges leur permettant de commercer librement dans l’Empire ottoman.

Le premier village où je m’arrête se nomme Dilofo (Δίλοφο), avec ses ruelles casse-gueule (retiens bien l’équation suivante: escarpins + Dilofo = entorse) et aux faux airs de village-fantôme. Il y a pourtant bien 24 habitants recensés. Et comme les voitures n’y ont pas droit de cité, ils doivent savourer leur bonheur!

Dilofo.

Il y a bien une petite taverne à Dilofo, manque de bol elle est fermée. Je me rends dans un autre petit village à 5 km de là, à Kipoi (Κήποι), avec ses vieilles maisons étagées sur une colline et dont certaines ruelles sont juste des sentiers herbeux. Ah, ici la petite taverna Michalis est ouverte. Agneau rôti et bière artisanale du coin, excellent binôme pour recharger ses batteries! Pas d’autocars ni de camping-cars, juste quelques randonneurs qui se sustentent avant de repartir à l’assaut des sentiers muletiers des Zagoria.

Une autre spécificité des Zagoria, c’est ce florilège de vieux pont de pierre de l’époque ottomane, super bien conservés. À leur apparence si fragile parfois, s’oppose la solidité et la fiabilité de leur conception. Tout czlà dans un sublime décor de paysage de montagnes, avec ces énormes rochers ressemblant presque à des sculptures.

Kipoi.
Pont Kalogeriko (près de Kipoi).
Pont Kokkori (entre Dilofo et Kipoi).

Les petits villages se succèdent au milieu d’un fantastique paysage de moyenne montagne. Je ne croise finalement que peu de véhicules, cette région étant sans doute encore méconnue des touristes. On va pas s’en plaindre! Allez, petit stop à Kapesovo (Καπέσοβο), aux ruelles pavées et leur large rigole d’évacuation d’eau au milieu. Ici, la tranquillité n’est pas un vain mot!

Kapesovo.

À quelques km, voici Tsepelovo (Τσεπέλοβο), un peu plus étendu et plus peuplé que les précédents. Il est presque même labyrinthique avec ses venelles qui se croisent n’importe comment. Mais la recette magique est toujours bien là: les maisons de pierre à toits de lauze, les ruelles à rigole centrale et les montagnes tout autour. Heureux habitants des Zagoria, la chance que vous avez!

Tsepelovo.

Mais à 30 km de Tsepelovo, je remarque que le village de Monodendri (Μονοδένδρι) a une vocation touristique un peu plus ostentatoire que ses copains. Je vois davantage de restos-bars, de petits commerces… sans que celà en soit étouffant, bien sûr, mais ça se voit que les touristes s’arrêtent facilement par ici. Il se passe quelque chose. Et je ne vais pas tarder à le découvrir!

À partir du village, un petit chemin pédestre et dallé descend jusqu’au petit monastère inhabité de Agia Paraskevi. Serait-ce là le point d’intérêt du coin? On y est presque. Au niveau du monastère, qui joue les équilibristes au bord d’une falaise, un belvédère en corniche justifie enfin l’engouement touristique des lieux. Il offre un panorama à mettre K.O le plus blasé des visiteurs, sur un canyon: le canyon de Vikos.

Le canyon (ou les gorges) de Vikos s’étire sur 12 km, et ses parois atteignent parfois 1100 m de haut. D’ailleurs, il est considére comme le canyon le plus profond par rapport à sa largeur, d’une moyenne de 400 m; le truc est homologué dans le Livre des Records. Il est clair qu’il n’a nullement à rougir face au canyon du Verdon! Il existe divers points de vue pour l’admirer, comme celui d’Oxia, à quelques km, époustoufflant lui aussi. Sur la route, on observera avec curiosité la Stone Forest, d’étranges formations rocheuses qui ressemblent à des assiettes empilées.

Canyon de Vikos.
Canyon de Vikos: point de vue d’Oxia.

Canyon de Vikos.

Ce n’est pas à Monodendri que je pose mon sac cette nuit, mais dans un village minuscule, sans doute l’un des plus petits et les plus isolés des Zagoria: Vradeto (Βραδέτο). Après une petite route aux multiples lacets, le début d’une piste caillouteuse coïncide avec l’entrée du village; puis, plus rien… enfin si, le canyon, qui est tout proche, et auquel je vais aller faire une autre petite visite! Le temps de déposer mon petit bagage dans cette maison d’hôtes, solide bâtisse tout en pierre si typique des Zagoria.

La piste est plus ou moins carrossable, mais je préfère y aller à pied. Je passe devant un alignement de plusieurs dizaines de ruches blanches (avec un panneau de mise en garde: pas trop s’aprocher svp!), je verrai beaucoup de ruchers comme çà en Grèce, la réputation du miel grec n’étant plus à faire. Au bout de la piste, il y a un petit parking; de là démarre un joli petit sentier qui, en 30 minutes, conduit au point de vue de Beloi, qui offre, j’en suis sûr, le panorama le plus incroyable, presque intimidant, sur le canyon et la rivière Voïdomatis, qui coule 1100 m en contrebas. Mais attention, la vue est super plongeante, sans aucune protection et quand les rafales de vent s’en mêlent, la sécurité ne doit pas être un détail futile. Alors si tu es sensible au vertige, je ne te le conseillerais pas forcément, idem pour les parents dont les gossses courent dans tous les sens…

Canyon de Vikos: point de vue de Beloi.

Et le petit village de Vradeto? Hé bien c’est le plus haut de la région (1340 m), c’est pas pour rien qu’il est appelé le “balcon des Zagoria”. Des ruelles pavées, des vieilles maisons de pierre , et aux environs, les fameux “escaliers de Vradeto”, un sentier aux innombrables marches qui relie Vradeto à Kapesovo. On trouve aussi deux petits restos, dont l’un encore dans la pure tradition grecque “à l’ancienne”, où le patron t’amène en cuisine pour faire ton choix parmi les casseroles qui mijotent, et ainsi piocher par exemple trois dolmades, avec une succulente ratatouille de légume et un peu de salade grecque. Un petit dessert? L’hospitalité prend le pas, la petite assiette de melon frais est offerte, spontanément…

Vradeto.
Ah oui: en Grèce, on a tout en même temps sur la table!

Tu remarqueras à coup sûr, à travers le pays, ces girouettes à forme d’oiseau assez stylisé. Je n’ai pas trouvé de détails sur une autre utilité; peut-être leur allure de corbeau ferait-elle fuir d’autres espèces plus petites et intrusives?

Les monastères des Météores.

J’ai une grosse étape de roulage à faire ce matin, me faisant repasser par Ioannina et Metsovo à travers les montagnes des Zagoria. Ah, et je change de région aussi: bye bye l’Epire, j’entre maintenant en Thessalie! C’est encore ici une région très montagneuse, mais déjà moins aride, avec des zones boisées et des champs. Le but ultime de cette journée n’est plus très loin; à l’approche du village de Kastraki (Καστράκι), j’aperçois enfin ces irréelles formations rocheuses qui composent un des sites touristiques majeurs de la Grèce, qu’il est inconcevable de zapper lors d’un voyage dans le pays: le site des Météores.

On a beau l’avoir vu un milliard de fois à travers des docus et des photos, le voir en vrai est une expérience aux ressentis exceptionnels. Ce décor de rochers qui se dressent vers le ciel, avec des anciens monastères perchés sur leur sommet, est digne d’un film fantastique. Rien à voir, bien sûr, avec des cailloux venus de l’espace (bien que l’étymologie siginifie plus ou moins “suspendus dans le ciel”), c’est plutôt le résultat de l’érosion très très longue d’un masse rocheuse de taille monstrueuse il y a quelque 60 millions d’années. en gros, les parties les plus dures sont restées et se sont polies comme des galets géants. On en a déjà un impressionnant aperçu en arrière-plan du village de Kastraki, pas trop touristique, où je me sustenterai d’un bon souvlaki.

Kastraki.

Et les moines alors, que sont-ils bien venus fabriquer tout en haut de ces incroyables pitons rocheux? C’est à partir du 14ème siècle qu’ils commencèrent la construction de ces fameux monastères, surtout pour se protéger de attaques ottomanes et albanaises. Comme nids d’aigle, difficile de faire mieux! Et pour y accéder, c’était pas triste: échelles de corde, nacelles à poulies, plus tard escaliers taillés dans la roche… Au 16ème siècle, on en comptait jusqu’à 24! Beaucoup d’entre eux connurent l’abandon et tombèrent en ruines. De nos jours, il n’y en a plus que 6 en activité.

Mais attention: la configuration sans égale de cet endroit magique en a fait un épicentre du tourisme de masse dans tous ses excès. La belle route goudronnée qui relie les accès aux différents monastères voit passer je ne sais combien d’autocars par jour, et les voitures parfois garées à l’arrache n’arrangent rien. En général, chaque monastère a un jour déterminé de fermeture; seulement aujourd’hui, c’est samedi, ils sont tous ouverts! Du coup, il ne faut pas espérer une seconde être seul(e) au monde… Amère rançon du succès pour un site inscrit à l’Unesco depuis 1988, et deuxième complexe monastique de Grèce après le Mont Athos!

Site des Météores.
Site des Météores en “panoramique”.

On ne peut pas tous les visiter en un jour, il faut se concocter une petite sélection. Les droits d’entrée, c’est 2€ par monastère, et bien sûr toujours faire gaffe au code vestiemtaire: pas d’épaules dénudées, shorts tolérés à condition qu’ils cachent les genoux… À partir de Kastraki, le premier que l’on rencontre est le monastère Agios Nikolaos, un des plus petits, perché sur son promontoire et bien visible de la route. Désolé, je ne l’ai pas visité. Mais je m’en vais admirer le monastère de Grand Météore (Megalo Meteoro); c’est le plus grand de la “bande des 6”, le plus ancien et le seul à avoir été de tous temps habité par les moines. Mais il n’y a pas de fumée sans feu: il est aussi le plus touristique, en témoignent le nombre de voitures garées, les autocars effectuant de laborieux demi-tours, les boutiques à souvenirs kitsch. Hé oui! Le monastère n’en reste pas moins impressionnant de par sa taille et sa situation.

Monastère Agios Nikolaos, vu d’en bas.
Monastère de Grand Météore.

Quasiment en face de Grand Météore, le monastère de Varlaam est inratable, perché de façon spectaculaire sur son rocher. Varlaam, c’est le nom du premier moine qui s’installa sur le rocher et y bâtit une petite église. Après sa mort, deux frères issus d’une famille noble de Ioannina et y fondèrent le monastère que l’on voit aujourd’hui. Il est superbe avec son église décorée de fresques, sa cour intérieure (avec une petite fontaine en cas de petite soif!) et son panorama parmi les plus ébouriffants des Météores. Attention aussi à l’interdiction de prendre des photos à l’intérieur des églises, et à ne pas photographier les moines, certains n’aiment pas vraiment çà! Une curiosité: cette énorme barrique de 12.000 litres de contenance, qui servait à la conservation du vin. Pour la consommation personnelle des moines? Ça m’étonnerait quand-même.

Monastère de Varlaam.
Monastère de Varlaam.

Le monastère de Roussanou, lui, est perché sur sa falaise de façon encore plus spectaculaire, on a l’impression qu’une bonne bourrasque de vent pourrait le faire dégringoler! On y accède par quelques volées d’escaliers de pierre et un petit pont suspendu, en passant au-dessus d’un petit jardin à l’anglaise. Il est toujours habité par des religieuses et seule une partie est visitable. Pas de photos en intérieur non plus, les nonnes veillent au grain. Néanmoins, elles vendent deux ou trois trucs comme du miel ou des galets peints.

Monastère de Roussinou.

J’ai encore le temps de visiter un monastère avant les heures de fermeture. Ce sera le monastère Agia Triada, dont l’emplacement semble le plus “inaccessible” de tous les monastères, du moins quand on le voit depuis la route! C’était vrai à une époque, comme on le verra après, mais maintenant un petit chemin dallé conduit au bas du piton, pour enchaîner sans transition sur un démentiel escalier de 140 marches inégales, taillé dans la roche et parfois en encorbellement à 20 cm de la tête; donc faites attention, les hautes tailles! En plus, il fait sacrément chaud aujourd’hui, cette petite vague de chaleur durera quelques jours…

Il est moins fréquenté que les autres. Peut-être à cause de l’effort à fournir pour l’atteindre? Le panorama sur Kalambaka est pourtant superbe! Il ne faut cependant pas se plaindre! Vois-tu cette poulie et cet amas de cordages qui pend dans le vide? Hé bien çà, c’est l’ancienne échelle de corde qui jusqu’en 1925, était l’unique moyen d’accès au monastère, en sachant qu’il y a quelque dizaines de mètres en contrebas! Apparemment les moines n’étaient ni des mauviettes ni des fragiles! Wow, c’est un exercice qui ferait du bien à certains touristes bedonnants. Je suis vache, des fois… Ah, j’allais presque oublier d’évoquer cet amusant petit téléphérique qui sert encore à approvisionner les moines en denrées alimentaires ou autres.

Monastère Agia Triada.
Monastère Agia Triada.

Tu te souviens du film de la saga James Bond “Rien que pour vos yeux” avec Roger Moore, dont certaines scènes furent tournées à Corfou? Hé bien l’équipe de tournage a posé ses caméras ici aussi à Agia Triada… du moins en partie, car tout ce tintouin agaçant beaucoup les moines, cette partie du film fut achevée dans une reconstitution du monastère. Il sont comme çà, les moines, même 007 ne faisait pas le poids…

Scène du film “Rien que pour vos yeux” à Agia Triada.

Avant de descendre vers Kalambaka, je passe près du monastère Agios Stefanos, accessible par un pont de pierre et toujours habité par des religieuses. C’est curieux aussi de voir le contraste du panorama, avec d’un côté les pitons rocheux des Météores, et au-delà, vers le sud, une vaste plaine agricole.

Monastère Agios Stefanos.

C’est dans la petite ville de Kalambaka (Καλαμπάκα), bâtie quasiment au pied des pitons rocheux, que je pose mon sac cette nuit, en logement airbnb encore. Je suis chanceux, cette petite maison de pierre est adossée à un rocher, et 200 m plus loin commence l’ancien sentier muletier qui conduit au monastère Agia Triada. Ce quartier de Kalambaka est très tranquille, avec ses rues pavées et ses petites églises en surplomb de la ville. sinon, on ne peut pas dire que la ville moderne soit transcendante; elle est surtout faite pour les touristes, jusqu’aux hébergement avec de grands hôtels pour troupeaux en autocar. Mais au moins pour manger sur le pouce et pas cher, sur odos Trikalon, la rue principale, il y a plein de snacks à souvlakis ou de bars à ouzo qui te tendent les bras!

Je peux clamer haut et fort que c’était là une des journées les plus passionnantes et intenses de ce voyage, même si le tourisme “moutonnier” dénature la majesté et la sérénité qu’on attendrait d’un tel endroit!

Kalambaka (dans la rue de mon logement airbnb)/
Kalambaka.

Thessaloniki.

Pour rejoindre Thessaloniki ce matin, j’aurais pu rejoindre directement la côte pour gagner du temps. Mais j’ai envie de prendre les chemins de traverse, quitte à faire quelques km en plus. Je vais passer par les routes secondaires, à travers la région de Macédoine-occidentale, pour découvrir une Grèce nettement moins visitée, mais vraiment authentique et parfois surprenante. Des champs (céréales, maïs, tabac…), des prairies, des vieux pick-up et des tracteurs… et même une culture qu’on ne s’attend pas forcément à voir par ici: ces parcelles d’un mauve profond, impossible de se tromper, ce sont des champs de lavande! Et pourtant, c’est tout récent dans le pays; celà a commencé avec quelques petites parcelles dans les années 2010.

Je devrai quand-même faire un petit bout d’autoroute pour atteindre ma destination, dont j’aperçois déjà au loin les premiers hauts immeubles et les centre commerciaux. L’arrivée à Thessaloniki (Θεσσαλονίκη) ne séduit pas d’emblée, d’autant plus qu’elle est très étendue. La capitale de la région de Macédoine-centrale est la deuxième ville et le deuxième port du pays. Mais en creusant un peu, elle va certainement me réserver des petites surprises.

Je vais encore loger en chambre airbnb dans la partie haute de la ville (j’y reviendrai en détail plus tard), il y a moyen de se garer gratos sur les hauteurs, ou près des remparts médiévaux qui ont encore fière allure. Et il faut dire que la vue sur la mer n’est pas mal du tout!

Thessaloniki: les remparts.

Allons voir maintenant ce que Thessaloniki a dans le ventre. Au premier abord, on se dit “c’est pas gagné”: la ville moderne aligne de hauts immeubles insipides, la circulation est parfois intense, mais peut-être un peu plus fluide et moins bordélique qu’à Athènes. Néanmoins, je retrouve avec plaisir les periptero, ces petits kiosques qui vendent presque tout, plutôt nombreux dans la ville. Quelques trouvailles parmi cette monotonie, comme des immeubles art déco ou cette construction appelée la Red House, ancien manoir construit pour un magnat du textile.

Choc entre l’ancien et le moderne!

Thessaloniki est réputée pour abriter un tas de chapelles et églises byzantines, certaines, à l’instar d’Athènes, planquées entre de hauts immeubles modernes. Mais on peut aussi admirer des églises plus imposantes, comme Agia Sofia, une des plus anciennes de Grèce et qui s’inspire de sa grande soeur d’Istanbul; ou Agios Dimitrios, dédiée au saint patron de la ville.

Thessaloniki: église Agia Sofia.
Thessaloniki: église Agios Dimitrios.

Entre deux visites, je me fais ma petite pause casse-croûte avec un gyros (combien en aurai-je mangé durant ce voyage?) et une douceur sucrée locale, le trigona, un genre de petit cône croustillant rempli à ras bord de crème. On les trouve à la pâtisserie Elenidi, sur odos Dimitriou Gounari.

Trigona de Thessaloniki.

Et au niveau des sites archéologiques, quoi de beau à Thessaloniki? Ni Acropole ni Parthénon ici, c’est entendu, mais des vestiges de l’époque romaine qui valent le détour. Ce genre d’arc de triomphe tronqué, c’est l’arc de Galère, du nom de l’empereur romain qui, avant sa mort, promulgua un édit de tolérance à l’égard des chrétiens. Il fut construit en hommage à l’empereur victorieux des Perses. Ses piliers restants et son arche sont décorés de scènes de guerre. À côté, cet imposant édifice circulaire flanqué d’un minaret, c’est la Rotonde, qui à l’origine devait servir de mausolée à l’empereur, mais changement de plan, il fut inhumé en Serbie. Elle fut ensuite la première église de la ville avant de devenir une mosquée. L’intérieur en est plutôt impressionnant, même si les fresques de la coupole sont en partie effacées. Quant aux ruines du Palais de Galère (toujours lui!), c’est pas très convaincant étant donné le peu de vestiges encore debout sur le site, lui-même compètement cerné par des immeubles qui semblent le prendre de haut. Hé ho, il était là avant vous, les gars…

Thessaloniki: la Rotonde.
Thessaloniki: Arc de Galère.

Bien sûr, il y a quelques super musées à visiter à Thessaloniki. Le musée archéologique, d’une grande richesse; le musée de la culture byzantine, dans un bâtiment moderne; et surtout le musée juif, qui met en valeur les liens étroits que la ville a entretenu avec cette communauté. Après l’expulsion des juifs d’Espagne en 1492, une partie importante de la population juive sépharade s’est réfugiée à Thessalonique. Mais bien plus tard, durant la Seconde Guerre mondiale, la communauté juive de Thessalonique a été presque totalement anéantie. Déjà en 1917, année du fameux grand incendie, le quartier juif de la ville fut détruit et les habitants sans toît furent relogés dans un autre secteur de la ville. Au total, dans toute la ville, 9500 bâtiments furent détruits, laissant 70.000 personnes sans abri.

Thessaloniki, c’est aussi une ville côtière. Et comparée à Athènes, elle gagne haut la main: son front de mer est vraiment plus agréable qu’au Pirée avec sa circulation infernale. Bon évidemment, il faut rester rationnel, les immeubles modernes ne plairont pas à tout le monde, le port industriel au loin encore moins. Mais le secteur n’est pas dénué d’intérêt, preuve en est que le monument sans doute le plus emblématique de la ville se trouve ici, presque les pieds dans l’eau: la Tour Blanche. Elle a été bâtie au 16ème siècle et fait partie des vestiges des anciennes fortifications vénitiennes de l’époque. Sous la domination ottomane, on était bien loin du Club Med, car elle faisait office de prison et même de chambre de tortures; son surnom de “tour sanglante” n’a pas besoin d’expication… Plus tard, lorsque Thessaloniki intégra l’état grec, la tour fut entièrement blanchie à la chaux, pour laver symboliquement les horreurs qui s’y déroulèrent, et fut renommée “tour blanche”. On peut la visiter, elle abrite le musée d’histoire de la ville, sur 6 niveaux, avec une terrasse panoramique au sommet, à 34 m de haut.

Un peu plus loin, se dresse une imposante statue d’Alexandre le Grand, aisi que cette curieuse “sclupture géante” des Parapluies, composée de 40 parapluies et mâts en acier inoxydable.

Thessaloniki: la Tour Blanche.
Vue du sommet de la Tour Blanche.

Finalement, Thessaloniki a plus d’un atout dans sa manche pour séduire le visiteur curieux, qui prend la peine de dépasser la première impression mitigée pour “creuser” un peu plus. Mais je t’avais promis quelque chose, c’est d’aller explorer, en soirée, la ville haute, autrement dit le quartier d’Ano Poli, la vieille ville de Thessaloniki. C’est l’ancien quartier ottoman, qui a eu la chance inouïe d’être épargné par l’incendie dévastateur de 1917. Malgré la présence de quelques voitures et deux-roues, le coin est très tranquille avec ses ruelles pavées et ses vieilles maisons à encorbellement, lui donnant un air de village hors de l’agitation citadine, qui plus est entourée de remparts. Les édifices fortifiés les plus massifs sont ici, tel l’Eptapyrgion, un ancien fort ayant servi de prison et qui comporte 7 tours (Epta = 7 en grec), ou la tour Trigonion, ancienne tour défensive qui domine toute la ville. Ano Poli recèle ausi quelques petites églises byzantines, ainsi que le monastère de Vlatadon, du 14ème siècle, lieu très serein avec ses cyprès et ses jardins, sérénité parfois interrompue par la grande volière d’où émanent les puissants “leooon” des paons qui s’y trouvent!

Thessaloniki: Ano Poli.
Thessaloniki: Ano Poli.

BILAN: il est vrai qu’Athènes rafle la majorité des visiteurs en Grèce par rapport à la deuxième ville de Grèce. Et pourtant, que de choses à découvrir: un défilé de modes d’églises byzantines, une tour qui change de couleur, des parapluies en plein soleil, et une ville haute beaucoup plus authentique qu’un Plaka envahi par les terrasses de restos à touristes. Et en parlant de restos, on mange bien à Thessaloniki; voilà une petite adresse sympa, proche de l’Eptapyrgion, où l’on sert plein de viandes grillées et de petites bières artisanales:

Tiho Tiho – Stergiou Polydorou, 1.

Aux portes du Mont Olympe.

Je quitte Thessaloniki, en repartant vers le sud, du côté ouest de la mer Égée. On est lundi aujourd’hui, la circulation est difficile pour sortir de la ville et s’engager sur l’autoroute; hé oui, les grecs vont bosser! Moi aussi je bosse à ma façon, glanant photos et impressions de voyage pour mes récits! Mais tu m’excuseras, car je suis en train de chercher quelque chose. Quelque chose que j’ai aperçu hier, en passant sur un pont, un genre d’endroit qui fait clignoter dans mon cerveau une petite alarme appelée “j’aime-me-fourrer-dans-des-endroits-pas-possibles”! Ah ben voilà, j’ai trouvé: sous ce fameux pont, des centaines de wagons abandonnés rouillent sur des voies en cul-de-sac. Un cimetière de trains, çà c’est intéressant!

Je trouve une voie de sortie qui me conduit dans un zoning industriel qui longe ce lieu étonnant. Pas trop de monde, juste quelques camions, et un chemin de terre qui longe le cimetière. J’y planque la voiture. Une clôture en barre l’accès, mais il existe forcément des failles… Ah, voilà: ici la clôture a été cisaillée; je franchis la clôture prudemment et rejoint rapidement l’incroyable alignement de wagons citernes, de marchandises, de voyageurs… Il paraît que tout ce matétriel rouille et pourrit sur place depuis les années 80. Le société des chemins de fer grecs a tenté de s’en débarasser en les revendant comme ferraille, en vain. Et quand bien même, le prix d’une opéraion d’enlèvement d’une telle ampleur risque d’être astronomique. J’ai le sentiment qu’ils vont rester là ad vitam æternam et se désagréger sur place. Certains ont déjà une position inclinée qui défie les lois de la physique…

Cimetière de trains de Thessaloniki.
Cimetière de trains de Thessaloniki.

Je crois avoir un genre de 6ème sens, un instinct qui me fait sortir d’une autoroute et prendre des routes de traverse qui me conduisent vers des lieux superbes et insoupçonnés. C’est le cas près de Chalastra (Χαλάστρα), où un panneau symbolisant des oiseaux et des flamants roses m’intrigue. Et voilà que quelques instants après, je me retrouve au coeur du delta de l’Axios, du nom de la rivière qui naît en Macédoine du nord; c’est un parc national depuis 2009. C’est une des plus vastes zones humides du pays, qui abrite presque 300 espèces d’oiseaux et même une espèce locale de chevaux sauvages. Au bord du delta, quelques maisons de bois flottantes servent de lieu de travail aux pêcheurs et mytiliculteurs, et la petite église Agios Nikolaos a l’air d’être posée au bout du monde. Aux alentours du delta, c’est un patchwork de terres cultivables, le coin est encore très rural. Je me demandais quels étaient ces curieux petits tracteurs à roues fines et métalliques, sans pneus; ben oui, j’aurais dû y penser: ils sont adaptés pour travailler dans des rizières, le pays étant un producteur de riz non négligeable.

Delta de l’Axios.
Delta de l’Axios.

Je reprends l’autoroute vers le sud, et au fil des kilomètres mon attention est de plus en plus obnulilée par un massif montagneux au loin, à ma droite. C’est plus ou moins la même sensation qu’en Sicile en 2019, entre Catane et Messine, quand l’Etna se dessinait dans le paysage. Mais pas de volcan ici, mais une montagne sacrée: le Mont Olympe. Mais attendons encore un peu, j’aurai le privilège de te le faire découvrir plus en pronfondeur… enfin disons plutôt “en hauteur”…

En attendant, je poursuis encore un peu vers le sud, pour aller à la rencontre d’un autre petit village montagnard qui revient de loin: Palaios Panteleimonas (Παλαιός Παντελεήμονας). En plus d’avoir un nom à rallonge 😊​, ce minuscule village a commencé à être déserté dans les années 50, quasi abandonné avant de connaître un renouveau d’engouement grâce à un film qui y fut tourné en 1981. Il fut patiemment restauré pour retrouver son charme d’auterefois. Le résultat est probant: ces petites maisons, en bois ou en pierre, ces ruelles où l’herbe pousse parfois entre les pavés, tout celà a un charme fou. Mais il ne faut pas posséder un Q.I de 140 pour se douter que c’est devenu touristique; sur la petite place de l’église, ombragée par de grands arbres, les terrasses des restos et les boutiques d’artisans cassent la sérénité dont l’endroit pourrait jouir. On n’est plus dans les villages perdus des Zagoria! Mais il y a toujours moyen de se perdre dans des venelles moins fréquentées et se rafraîchir à l’une ou l’autre petite fontaine cachée.

Palaios Panteleimonas.
Palaios Panteleimonas.